10 questions à ‘Nelly Lemarinier’ – anosmique traumatique

 

Bonjour à tous,

 

Lorsque j’ai proposé à Nelly Lemarinier de participer au 1er numéro de la rubrique ’10 questions à…’, elle n’a pas hésité une seule seconde ! Vous découvrirez ci-dessous cette interview en toute intimité, dans les coulisses de la vie d’un anosmique, entre souffrance et espoir.

 


 

Bonjour Nelly, tu es la 1ère à répondre à cette nouvelle rubrique, je te remercie beaucoup. Tu as souhaité que cette interview ne soit pas anonyme.

 

Ready ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment tu es devenue anosmique ?

NL : C’est un accident de la vie… chute sur le carrelage d’une piscine de toute ma hauteur… je suis très grande pas loin de 1,64 m.. hihihi… il n’y a que cela de drôle dans l’histoire… dans mon histoire. C’est mon crâne qui a tout pris…. trauma crânien, 7 points de suture et quelques heures après ma chute… je me suis rendue compte que j’avais perdu goût et odorat… en voulant m’alimenter. Le médecin urgentiste vu la veille m’a dit que mes vertiges et la perte de goût et odorat étaient dus au choc et que tout rentrerait dans l’ordre au bout de 48h… si seulement il avait pu dire vrai … Les premiers mois beaucoup d’espoir et je me suis dit : «c’est une nouvelle épreuve que la vie me donne mais tout va revenir comme avant l’accident»… après plusieurs examens et visites de spécialistes… il me faut me résigner et me dire que c’est fini pour moi le goût et l’odorat.. j’ai maintenant un nouveau statut : «handicapée»….

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ? et pourquoi ?

NL : Non pas vraiment… comme la plupart d’entre nous … Je pensais que nous avions tous notre propre sensibilité et pas la même façon d’apprécier les choses….. d’où l’expression «Les goûts et les couleurs« mais imaginer ce que je vis aujourd’hui… non impossible cela ne m’a jamais traversé l’esprit ! Je ne me rendais pas compte à quel point ces sens merveilleux comme le goût et l’odorat pourraient me manquer et quelle douleur cela représente quand nous en sommes privés !

 

Question n°3 : Comment t’es-tu organisé pour vivre au quotidien avec ce handicap ?

NL : Je m’oblige à être beaucoup plus vigilante notamment sur ce que je mange. Avant l’accident j’avais «mes sécurités»… un aliment même joli et appétissant à la vue s’il n’était pas bon je pouvais le détecter avec le goût et l’odorat maintenant que j’ai perdu mes sécurités je suis très méfiante… je cuisine mais plus le droit d’être distraite car c’est trop dangereux alors je reste devant ma plaque de cuisson… et j’utilise systématiquement le minuteur… pour tout. Pas drôle mais il ne faut pas rigoler avec la sécurité ! J’ai nommé mon mari «le meilleur goûteur»… pas le choix il est contraint de tout goûter puisque je ne peux plus le faire ! Je n’ai pas de solution pour échapper aux odeurs néfastes pour mon organisme…. sauf s’il y a des fumées colorées que je peux voir et donc éviter !

En effet, maintenant il y a des mots que je ne peux plus dire car ils ne représentent pas la réalité comme:  “je vais goûter” et bien NON maintenant je ne peux plus dire que : ” Je vais manger mais je ne pourrais pas dire quel goût pour cet aliment”. Je ne peux plus dire non plus “c’est bon” puisque je ne le sais plus… et il y a d’autres mots, d’autres expressions qui ne me viennent pas tout de suite en tête … que je dois maintenant bannir de mon vocabulaire. Alors cela peut paraître ridicule mais forcément il m’arrive de dire ces mots sans réfléchir…, instinctivement et aussitôt je me dis mais non Nelly tu n’as plus le droit de dire cela… c’est triste mais cela fait également partie des choses qui demandent un effort, une nouvelle organisation dans sa tête et ce n’est pas si simple !

 

Question n°4 : Qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?

NL : Il est difficile de répondre il y a tellement de choses qui me manquent….comme je suis gourmande.. les bonnes odeurs de cuisine, les moments de convivialité avec la famille,  les amis sont plus fades… surtout lorsque tout le monde dit que c’est bon que cela sent bon … c’est terrible ! L’odeur des fleurs.. celles de mon cerisier, de mon pommier, du chèvrefeuille que j’avais tant de plaisir à humer lorsque je passais à côté pour aller chercher l’eau afin d’arroser mon jardin… forcément toutes les odeurs de parfums… pas seulement pour l’alimentaire mais aussi dans la salle de bain : crèmes, lotions, parfum, le linge propre et frais…. l’odeur de mon mari de mes proches… souvent un parfum vous rappelle quelqu’un…

 

Question n°5 : Comment se passe tes repas aujourd’hui ?

NL : Je mange même si je n’ai plus le même plaisir… je me focalise sur les couleurs… il faut que soit joli… je continue de manger ce que j’appréciais avant… il n’est pas question pour moi sous prétexte que je n’ai plus de goût et d’odorat de manger n’importe quoi… ou que des aliments insipides parce que je ne vais plus me rendre compte…. au contraire je veux continuer à choisir ! Le souci c’est que je ne réussie plus à calmer mes envies…. je peux manger par exemple des quantités de chocolat incroyable parce que je n’ai plus d’alerte pour l’écœurement qui pourrait me faire arrêter et en fait je ne peux plus assouvir mon envie de chocolats par exemple… c’est un souci que je ne sais pas régler… Très embêtant et aussi très frustrant !

 

Question n°6 : En parles-tu autour de toi ? a tes proches ?

NL : Ah oui j’en parle à chaque occasion et j’essaie d’expliquer… pas toujours facile mais il n’est pas question de cacher quoi que ce soit… surtout pas question de mentir et quand on me demande mon avis sur un aliment ou autre chose j’en profite pour dire que je ne peux pas répondre car j’ai perdu goût et odorat… et cela entraîne des explications, mon ressenti face à ce qui m’entoure… le partage de ma douleur et surtout de faire prendre conscience à mon entourage de ce que je vis,  de ce qui me manque maintenant, de ce que j’ai perdu….

 

Question n°7 : La question est un peu compliquée mais l’anosmie t’a t’elle apporté quelque-chose de positif ?

NL : Un combat de plus à mener… une nouvelle lutte…. dans ma vie personnelle….il y en a déjà quelques unes. Je me bats souvent plus pour les autres mais cette fois-ci c’est aussi pour moi… c’est difficile et différent. Je ne supporte pas l’injustice et là le fait d’être privée du goût et de l’odorat suite à un accident alors que je me permettais une petite pause détente suite à une année difficile… pour moi c’est injuste et je vais me battre pour faire reconnaître ce handicap invisible ! Une belle et grande cause à défendre !

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ?

NL : Oui bien entendu même si je ne profite plus de cette bonne odeur…  c’est surtout pour les autres que je me parfume. Je n’ai pas changé cette habitude… et je reste coquette !

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques ?

NL : De garder le moral, sa fierté car ce n’est pas de notre faute si nous ne pouvons plus tout partager comme avant avec notre entourage… nous en sommes malheureux. Ce n’est pas facile moi je pleure encore chaque jour au bout d’un an mais il faut se battre et tout faire…. pour vivre bien avec  les autres en toute loyauté… pas de mensonges. Moi, même si aujourd’hui notre handicap n’est pas reconnu par la sécurité sociale… c’est pas grave je viens d’ouvrir un dossier pour la reconnaissance de celui-ci… alors faites en autant…. encore une façon d’en parler et tous les moyens sont bons… la sécurité sociale nous ignore ? Pas pour longtemps… il nous faut tous remplir un dossier ce sera un bon début ! Il faut parler, parler et parler encore et se faire entendre auprès de tous et particulièrement auprès des scientifiques, du monde médical afin de faire bouger les lignes… faire entendre nos voix et  faire respecter nos droits. Nous sommes handicapés., soit mais alors nous avons des droits comme les malentendants et les malvoyants et nous devons nous battre … ensemble nous serons les plus forts et les barrières tomberont.

 

…La vie continue elle est belle et vaut le coup d’être vécue.. même si elle a un peu moins de saveur !!!

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

NL : Que des scientifiques trouvent une solution pour que je.. pour que nous retrouvions ces merveilleuses sensations du goût et de l’odorat. Que la sécurité sociale ouvre ses yeux et reconnaisse que le fait de perdre 2 sens sur 5 c’est un réel handicap !

 

Merci Nelly pour cette première interview, elle restera un moment important pour toi et pour l’association !

 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit et ça fera plaisir à Nelly et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

J2Man

 

Author: j2m

7 thoughts on “10 questions à ‘Nelly Lemarinier’ – anosmique traumatique

  1. Chantal 17 juillet 2018 at 9 h 51 min

    Bonjour Nelly, vous venez de me donner de l’énergie, beaucoup d’énergie. Je vais essayer de faire comme vous, de vivre AVEC ! Merci Nelly, j’espère vous rencontrer un jour, je vous envoie quelques bises.

  2. Marion 17 mai 2018 at 7 h 04 min

    Bonjour à tout le monde,

    Ça fait plaisir de lire ces quelques lignes pleines d’optimisme. 5 ans d’anosmie, 5 ans de vie compliqué, il faut se battre, merci Nelly.

  3. Chris 7 mai 2018 at 7 h 58 min

    Bonjour
    Merci pour ce témoignage. .
    Je pense que nous”les anosmiques” nous retrouvons tous dans ces lignes
    J ai perdu l’odorat et le goût apres 3 jours d un “soit disant etat grippal”…
    C est difficile, déprimant…frustrant de ne plus sentir les bonnes odeurs lorsque je cuisine, de ne plus savourer les 1eres fraises, ne plus sentir le muguet. .les 1eres roses…le gazon coupé. ..plein de choses que tout le monde a l’habitude de sentir …sans se rendre de l importance…
    Maintenant je suis à l affût du moindre goût que je peux détecter. ..mais pas gd chose. .
    J espere que ça reviendra. .les spécialistes disent que c’est long. .mais que ca “devrait ” revenir. .alors je garde espoir. ..et bien souvent je pleure encore…
    Gardons tous espoir que la science soit avec nous…

  4. François Touret 6 mai 2018 at 19 h 25 min

    Bonjour et merci Nelly pour la maniére avec laquelle vous détaillez votre ressenti ” si j’ose dire ”
    Je suis également privé pour l’instant, de l’odorat depuis 18 mois environ et bien sur, j’en souffre au quotidien comme nous tous, mais ce qui me fais le plus souffrir, c’est que mon entourage, proche ou moins ,ne prenne conscience malgré les précisions que j’ai pu leur amener sur cette carence , et puisse pour certains en plaisanter.
    Vous comprendrez mon désarroi face à cette situation pour laquelle bien sur je ne puis leur en vouloir.

  5. Annette 6 mai 2018 at 17 h 58 min

    Bonjour Nelly, j’admire votre courage et comme je viens de le lire au dessus, moi aussi j’ai les larmes qui me coulent sur les joues… En parler nous fait du bien, merci pour ces réponses pleines d’émotions et de combativité, vous m’aidez.

  6. Anonyme 6 mai 2018 at 1 h 00 min

    Merci Nelly pr ce beau témoignage ! En te lisant, mes yeux se remplissent de larmes… car oui, tes mots sont l’expression de tous ce que les anosmiques peuvent ressentir dans leur cœur… frustration, tristesse et souffrance. J’ai souvent le sentiment que seuls les anosmiques peuvent vraiment comprendre ce que l’on ressent en vivant avec ce handicap…
    Étant anosmique depuis 12 ans, je ne peux qu’imaginer ta souffrance d’avoir également perdu le goût …
    Mais pas le goût à la vie! 😊
    Bonne continuation à toi!
    Emeline

  7. Nico 6 mai 2018 at 0 h 05 min

    Tout est dit merci pour ton témoignage !

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