Bonjour à tous,
J’espère que vous allez pour le mieux !
Nous avons reçu beaucoup de questions depuis quelques semaines au sujet des troubles du système olfacto-gustatif, perte de l’odorat (anosmie), perte du goût (agueusie). Ces troubles peuvent avoir plusieurs origines comme par exemple ce coronavirus dont nous entendons beaucoup parler depuis quelques semaines (pandémie Covid-19).
Les 3 objectifs de cet article sont les suivants :
- Fournir quelques informations sur le fonctionnement de notre goût et de notre odorat
- Transmettre quelques exercices individuels pour découvrir et identifier les différentes fonctions
- Permettre à chacun de réaliser son propre diagnostic du goût et de l’odorat et ainsi de détecter d’éventuels dysfonctionnements
Le goût et l’odorat sont des sens intimement liés, ils fonctionnent de manière complémentaire pour fournir la puissance des sensations lorsque vous sentez un parfum, dégustez une glace ou encore une madeleine… de Proust 😉
Mais avant toute chose, quelques explications importantes :
- La détection des odeurs (ex : clémentine, rose, girofle) se fait dans le nez par la muqueuse olfactive (en orange sur le dessin ci-dessous). Les informations sont ensuite remontées au cerveau par une structure appelée ‘bulbe olfactif’ (en jaune sur le dessin ci-dessous). Cette détection peut se faire par 2 voies différentes :
-
- la voie rétronasale = circulation de l’air depuis l’arrière du palais vers le nez à l’intérieur de la bouche
- la voie orthonasale = circulation de l’air directement par le nez
- La détection des saveurs (le sucré, le salé, l’acide, l’amer et l’umami) se fait sur la langue, par l’intermédiaire des petits points que vous pouvez apercevoir sur votre langue en la tirant face à un miroir. Ces points sont les papilles gustatives. Elles sont constituées de structures microscopiques, les bourgeons du goût qui permettent de traiter les informations et de les envoyer au cerveau.
- L’anosmie est la perte totale de l’odorat par une lésion de la muqueuse olfactive ou par l’absence de bulbe olfactif (anosmie congénitale)
- L’agueusie est la perte totale du goût par une lésion des bourgeons gustatifs
- L’anosmie n’entraîne pas l’agueusie mais impacte très sérieusement le goût
- L’odorat participe à hauteur de 80% à la construction du goût par l’olfaction retronasale
- Exemple lorsque vous avez le nez bouché la qualité du goût diminue mais les saveurs restent présentes
Ce système olfacto-gustatif est composé de 3 sens chimiques :
- La muqueuse olfactive (en orange) et le bulbe olfactif (en jaune) – Figure 1
- Détection des odeurs (ex : cacao, café, vanille, etc..)
- Les papilles gustatives présentes sur la langue – Figure 2
- Détection des saveurs : sucré, salé, acide, amer, umami
- Le système trigéminal ou nerf trijumeau (en jaune) – Figure 3
- Détection des sensations (ex : chaud, froid, irritant, piquant)
Un test permettant de solliciter chacun de ces 3 sens ‘chimiques’ vous sera proposé ci-dessous
Tests n°1 – Dégustation de l’eau
Sollicitation du bulbe olfactif et des papilles gustatives
Conditions du test
- Possibilité de réaliser ce test seul mais idéalement à 2 personnes pour faciliter la dégustation à l’aveugle
- La concentration est importante pour être à l’écoute de ses sensations
- Il s’agit bien de ‘déguster’ (le mot est important) les aliments, il est important de prendre son temps
Matériel nécessaire
- De l’eau aromatisée à la fraise (incolore)
- De l’eau aromatisée au pamplemousse (incolore)
- De l’eau aromatisée au citron (incolore)
- De l’eau minérale naturelle, dans laquelle vous aurez ajouté et dilué du sel fin
- 4 petits verres identiques (il est important qu’ils soient en verre pour ne pas perturber le test)
- Un bandeau pour se masquer la vue (facultatif, vous pouvez fermer les yeux !)
Protocole du test
- Identifier vos 4 petits verres
- Marque discrète si possible, invisible depuis l’intérieur
- Remplir vos 4 petits verres avec les 4 eaux énumérées ci-dessus
- Les remplir au même niveau chacun pour ne pas pouvoir les reconnaître facilement
- Mélanger la position des 4 petits verres
- Pour ne pas savoir quelle eau se trouve dans quel verre
- Dégustez l’eau de chaque verre en tentant de les reconnaître
- Prendre connaissance du contenu, après avoir goûté les 4 verres
Interprétation des résultats
Rappel : lors de ce test, nous souhaitons solliciter 2 composantes : le bulbe olfactif et les papilles gustatives
- Si je détecte le sucré (fraise), l’acidité (citron), le salé (sel) ou bien l’amertume (pamplemousse) ce sont les papilles gustatives qui fonctionnent, reçoivent ces informations et les transmettent à mon cerveau
- Si je détecte les odeurs de la fraise, du citron ou bien du pamplemousse c’est que le bulbe olfactif fonctionne, reçoit ces informations et les transmet à mon cerveau.
L’opération peut être répétée à intervalle régulier et les résultats pourront être notés pour permettre de suivre l’évolution en cas de rééducation suite à un trouble de l’olfaction.
‘Mais sans amour, c’est comme si le monde n’existait pas, non? dit-elle. Sans amour, le monde n’est qu’un souffle de vent qui passe devant tes fenêtres. Ne pas pouvoir toucher la main de quelqu’un, c’est comme être privé d’odorat.’ (Haruki Murakami, écrivain japonais)
Tests n°2 – le carré de chocolat
Sollicitation des papilles gustatives et du bulbe olfactif
Conditions du test
- Possibilité de réaliser ce test seul
- La concentration est importante pour être à l’écoute de ses sensations
- Il s’agit bien de ‘déguster’ (le mot est important) ce carré de chocolat, il est important de prendre son temps
Matériel nécessaire
- Un ou plusieurs carrés de chocolat (72% de cacao minimum)
Protocole du test
- Pincez votre nez (comme à la piscine) pour atténuer l’odorat
- Mettez le carré de chocolat dans votre bouche (toujours avec le nez pincé)
- Mastiquez le chocolat jusqu’à ce qu’il soit totalement liquide dans votre bouche (toujours avec le nez pincé)
A ce moment du test vous devez avoir la sensation du sucré
- Ensuite, ‘libérez’ votre nez pour récupérer l’odorat par la voie retronasale
A ce moment du test vous devez récupérer l’odeur du ‘cacao’
Interprétation des résultats
Rappel : lors de ce test, nous souhaitons solliciter 2 composantes : le bulbe olfactif et les papilles gustatives
- Si je détecte le sucré lors de la mastication du carré de chocolat ce sont les papilles gustatives qui fonctionnent, reçoivent ces informations et les transmettent à mon cerveau.
- Si je détecte l’odeur du cacao c’est que le bulbe olfactif fonctionne, reçoit ces informations et les transmet à mon cerveau.
L’opération peut être répétée à intervalle régulier et les résultats pourront être notés pour permettre de suivre l’évolution en cas de rééducation suite à un trouble de l’olfaction.
‘L’odorat, le mystérieux aide-mémoire, venait de faire revivre en lui tout un monde.’ (Victor Hugo, artiste, écrivain, poète, romancier)
Tests n°3 – Le trijumeau
Sollicitation du système trigéminal (nerf trijumeau) et du bulbe olfactif
Conditions du test
- Possibilité de réaliser ce test seul
- La concentration est importante pour être à l’écoute de ses sensations
- Il s’agit bien de ‘déguster’ (le mot est important) les odeurs ou les aliments, il est important de prendre son temps
Matériel nécessaire
- De l’huile essentielle de menthe poivrée
- Un flacon d’environ 100 ml d’eau avec son bouchon
- De l’eau gazeuse non aromatisée
- Du piment en poudre ou de la moutarde
Protocole du test
- Ouvrez votre flacon, dosez 20 gouttes d’huile essentielle et 50ml d’eau
- Nous aurons donc un mélange dosé à 2% d’huile essentielle
- Renifler votre flacon en le positionnant à 2-3 cm de votre nez
A ce moment du test vous devez sentir l’odeur de la menthe mais aussi ressentir le piquant dans votre nez
- Servez-vous un verre d’eau gazeuse et conservez en bouche le liquide quelques instants
A ce moment du test vous devez ressentir le pétillant du liquide en bouche
- Dégustez quelques grains de poudre de piment ou un peu de moutarde
A ce moment du test vous devez ressentir le piquant des épices ou de la moutarde sur votre langue
Interprétation des résultats
Rappel : lors de ce test, nous souhaitons solliciter 2 composantes : le trijumeau et le bulbe olfactif
Si je détecte l’odeur de la menthe, c’est que le bulbe olfactif fonctionne, reçoit ces informations et les transmet à mon cerveau.
- Si je détecte le piquant de la menthe dans le nez, c’est que le système trigéminal (nerf trijumeau) fonctionne, reçoit ces informations et les transmet à mon cerveau.
- Si je détecte le piquant de la moutarde ou du piment sur la langue c’est que les nerf lingual, qui est un nerf sensitif du système trigéminal fonctionne, reçoit les informations et les transmet à mon cerveau.
L’opération peut être répétée à intervalle régulier et les résultats pourront être notés pour permettre de suivre l’évolution en cas de rééducation suite à un trouble de l’olfaction.
‘On vit tous les jours dans l’attente de ce que l’on mangera le soir, l’appétit s’aiguise, le palais et l’odorat s’excitent, on est heureux d’avoir faim.’ (Stéphane Méliade, poète, nouvelliste et auteur français de romans pour la jeunesse)
Informations complémentaires
Pour ceux qui voudraient aller encore un peu plus loin, je vous recommande l’intervention de Hirac Gurden (directeur de recherche en neurosciences au CNRS) intitulée “De l’importance de l’odorat : la recette cérébrale de la Madeleine de Proust” extraite de la conférence organisée par le centre Georges Pompidou ‘Odorama pour une culture ollfactive’.
Introduction :
L’odorat a toujours eu mauvaise réputation : on l’accuse d’être un sens inférieur, animal, primitif, instinctif, refoulé, superflu, sous-développé, subjectif, inapte à l’abstraction…
Pourtant, les odeurs, tour à tour sacrées, thérapeutiques, esthétiques, jouent un rôle à part dans l’histoire de l’homme. S’il a été avant tout conçu pour la détection du danger et la survie, notre odorat est, plus que tout autre sens, intimement connecté à nos émotions et à notre mémoire. Ces liens privilégiés, combinés au cerveau perfectionné que l’homme a développé au fil de l’évolution, en font un outil unique d’introspection, de connaissance de soi et du monde, et la base d’une culture émergente qui nous mènera enfin par le bout du nez…
Avec : Clara Muller, Dominique Brunel, Mathieu Chévara, Aurélien Guichard, Hirac Gurden, Delphine De Swardt, Boris Raux, Julie C. Fortier
⇒ L’intervention de Hirac Gurden (cliquez ici)
⇒ La conférence dans son intégralité (cliquez ici)
Vous pouvez télécharger ces 3 tests au format *pdf en cliquant ici – © Copyright association anosmie.org
Sources et contributions à la rédaction de ce document
Hirac GURDEN – Directeur de recherche CNRS – Paris
Robert CHHUOR – Chirurgien orl – groupe ORL Atlantique – Nantes
Jean-Michel MAILLARD – Anosmique traumatique et président fondateur de l’association ‘anosmie.org’ – Normandie
Odorama pour une culture olfactive : www.dailymotion.com
Illustrations : www.wikipedia.org / www.sommelier-vins.com / www.newyorkinjurycasesblog.com
Protocole de rééducation olfactive association : www.anosmie.org
* Certains aspects ou origines de l’anosmie et de l’agueusie ne sont pas évoqués dans ce document (maladies neuro-dégénératives, atteinte du système nerveux central, syndrome Kallmann de Morsier, etc..) pour faciliter la compréhension du plus grand nombre.
Amicalement,
Jean-Michel Maillard
Président de l’association ‘anosmie.org‘