10 questions à ‘Isabelle.L’ – anosmique traumatique

 

Bonjour à tous,

 

De l’optimisme, du courage ainsi que l’aide de ses proches, c’est ce qu’il aura fallu à Isabelle pour traverser toutes ses années sans odorat suite à un accident dans les années 1970…. une difficulté supplémentaire car à cette époque l’anosmie ne devait tout simplement pas exister et l’odorat n’était sans doute pas utile…

C’est une envie de partage et d’optimisme qui a poussé Isabelle à témoigner, pour transmettre son parcours et sa manière de traverser cette épreuve., voici l’histoire d’un banal accident…

 


 

Bonjour Isabelle, un banal accident comme il y en a tous les jours en France et ailleurs mais un accident qui te laissera anosmique à jamais. Ton témoignage est bouleversant, il permettra d’aider ceux qui souffrent d’anosmie mais aussi de transmettre des informations importantes ceux qui ont encore le sens de l’odorat, tu as souhaité que cette interview soit anonyme.

 

Prêt ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment tu es devenue anosmique, ce qu’il s’est passé ?

Isabelle : En 1972 j’ai été victime d’un accident de voiture dont je n’étais pas responsable : crâne fracturé et traumatisme crânien. J’avais 23 ans. Quand je me suis aperçue que je ne sentais plus, le neurologue m’a dit que si après 40 jours rien ne revenait, c’était perdu. J’ai entamé le décompte …

L’assurance m’a proposé une indemnisation dérisoire en évoquant un « pretium doloris léger » qui m’est resté en travers de la gorge !

Sans mes parents je me serais laissé faire ; ce sont eux qui sont allés voir un avocat. J’ai obtenu une indemnité conséquente qui m’a au moins donné l’impression que mon préjudice était reconnu.

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ?

Isabelle : Non

 

Question n°3 : Comment as-tu organisé ton quotidien pour vivre avec ce handicap ? Y-a-t ’il eu un impact sur ta vie professionnelle ?

Isabelle : Pas d’impact majeur sur ma vie professionnelle.

J’ai brûlé beaucoup de casseroles, j’en brûle encore et j’ai mangé des aliments avariés.

J’utilise un minuteur, je lave le linge certainement plus souvent que nécessaire.

Mais surtout, mon mari, ma famille et mes amis sont fréquemment sollicités pour sentir à ma place.

 

Question n°4 : Comment la situation a-t-elle évolué au fur et à mesure que les années passaient, par quelles phases es-tu passée ?

Isabelle : L’espoir de retrouver l’odorat et le goût ont disparu assez vite mais pas totalement, au point que, récemment encore, j’ai cru un ostéopathe qui me disait qu’il pouvait « peut-être » m’aider à retrouver l’odorat. Ça m’a coûté trois consultations ! Pour rien bien sûr…

J’ai oublié que certaines choses sentent. Je me le rappelle quand les autres en parlent.

Un exemple : quand nos petits enfants dorment à la maison ils viennent avec un tee shirt porté par leur mère. Ça les rassure. Je n’en aurais pas eu l’idée !

 

Question n°5 : Qu’est-ce qui t’a le plus manqué depuis ton accident ?

Isabelle : J’étais très sensible aux odeurs ; je vis maintenant dans un univers aseptisé, ce qui est contraire à mon tempérament.  Je ne supporte pas qu’on me dise que j’ai de la chance de ne pas sentir telle ou telle mauvaise odeur.

Je suis consciente de beaucoup perdre quand je voyage.

 

Question n°6 : Comment se passent  tes repas aujourd’hui, ton rapport à la nourriture ?

Isabelle : Ne pas oublier l’agueusie (perte du goût) qui va avec l’anosmie.

Je suis sensible à l’aspect et à la consistance. Je tiens beaucoup aux couleurs des aliments et de leur contenant. Il faut que ce soit joli !

Je mets des aromates par habitude et pour les autres. Mais il y en a dont je n’ai jamais connu le goût ni l’odeur.

Comme je trouve souvent que les plats ou les gâteaux n’ont pas ou peu de goût, je questionne mon entourage.

Mais Il faut savoir qu’il est très difficile de décrire une odeur.

 

Question n°7 : En parles-tu autour de toi ? A tes proches ? Dans ton travail ?

Isabelle : Dans mon travail je n’en parlais pas.

Mes proches le savent. Je les questionne souvent.

J’en parle peu. Quand cela m’arrive, les gens peuvent être stupéfaits et essayer d’imaginer la situation ; la plupart s’en fichent et notamment le corps médical. Il faut dire que je ne demande rien mais un petit mot de sympathie ferait plaisir.

 

Question n°8 : La question est un peu compliquée mais l’anosmie t’a-t-elle apporté quelque-chose de positif ?

Isabelle : l’accident m’a fait comprendre que tout peut basculer en 1mn. Compte tenu de ce à quoi j’ai échappé (reportage à Garches sur les traumatisés crâniens) je vois la vie beaucoup plus positivement.

Pour l’anosmie et l’agueusie proprement dites, rien de positif. Il faut vivre avec, sans dramatiser plus qu’il ne le faut.

La colère contre l’irresponsable, cause de tout cela n’a pas disparu.  Il ne faut pas essayer de me faire signer une pétition contre les limitations de vitesse !

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ?

Isabelle :  Non. D’ailleurs, c’est en voulant humer mon eau de toilette habituelle que j’ai constaté que je ne la sentais pas.

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques, à ceux qui souffrent ? Quels sont tes petits secrets pour améliorer ta qualité de vie mais aussi profiter de la vie malgré ce handicap ?

Isabelle : il faut apprendre à relativiser. La vie vaut la peine d’être vécue ;

Depuis peu de temps, l’odorat est plus souvent évoqué. Outre quelques émissions de radio, on voit des expositions ou des spectacles olfactifs ; c’est nouveau et prouve que ce sens n’est plus considéré comme mineur.

Je n’avais jamais rencontré d’anosmique jusqu’à présent. Je suis bien contente de pouvoir échanger avec des gens qui ne prendront pas un air poliment compatissant !

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

Isabelle : Retrouver mon nez ; Pas dans dix ans : tout de suite !

 


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Isabelle et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

 

Author: j2m

13 thoughts on “10 questions à ‘Isabelle.L’ – anosmique traumatique

  1. Valérie Arnaud 12 août 2021 at 12 h 21 min

    Bonjour Isabelle, ce récit me rappelle beaucoup de choses… il y a de ça, 10 ans, après une chute avec trauma crânien, j’ai perdu le goût et l’odorat. Le neurologue m’a dit que se serait définit. Il ne m’a laissé aucun espoir. Moi qui étais une vraie epicurienne… Je deprimais, plus envie de manger, aucun intérêt d’aller au restaurant, plus envie de cuisiner…..et puis, la naissance de mon petit fils…… Sur le coup, ne pas sentir l’odeur du bébé, des couches sales… des frustrations supplémentaires…… et il a grandi, nous faisons plein de choses, et là je me suis dit : si tu avais perdue la vue, ou si je m’étais retrouvée en fauteuil (les médecins m’ayant dit que je m’en étais bien sortie…). La je me suis dit : il est préférable d’avoir perdu le e goût et l’odorat au moins tu peux le voir, partager plein de choses avec lui, marcher, courir, jouer. … je me dit, que mon “malheur” aurait pu être pire….. Amicale pensées. Valérie

  2. Catherine 8 juillet 2021 at 17 h 15 min

    A Fabrice.moi aussi la peur de sentir mauvais .il parait que non.je ne sais que manger.tout me dégoûte.cela fait 3 ans accident de voitutre.je me suis cognee la tete et c est arrive cette chose.personne ne veut comprendre et surtout pas le conducteur. Qui est mon frère très vexé. Alors je n en parle plus…….cordialement

  3. Gaubert 27 février 2021 at 14 h 46 min

    Bonjour.
    Je vie avec mon amie qui, suite a un accident de voiture, a perdue le goût et l’odorat.
    Je partage avec elle ce gros handicap invisible qui la prive de beaucoup de choses et j’essaye de l’accompagner de mon mieux car trop de personnes ignorent et ont du mal à comprendre son handicap.

  4. j2m 22 décembre 2020 at 22 h 25 min

    Bonsoir Ben, 
    J’espère que vous allez pour le mieux, merci pour votre message sur notre site Internet. Pouvez-vous m’en dire davantage sur votre anosmie ?- Accident de travail ? indemnisé, handicap reconnu ?- Avez-vous réalisé de la rééducation olfactive ?
    Si vous préférez que nous parlions au téléphone quelques minutes, n’hésitez pas à me le dire.
    Amicalement,

  5. ben 22 décembre 2020 at 17 h 14 min

    très beau témoignage ,ont a l’air de ce trouvé moins seul en lisant ce récit, merci

    Ben 33ans ,anosmie agueusie depuis 1an 1/2 suite a accident de travail

  6. LANTHEAUME 30 août 2019 at 12 h 22 min

    Je suis anosmique depuis 40 ans , polypose nasale et asthme , ce qui m’est insupportable c’est une respiration difficile , un rhume permanent malgré de nombreux changements dans mon alimentation. Le stade actuel me convient plus du tout, j’habite en Savoie, je recherche un chirurgien orl compétent dans ce domaine en région Rhône Alpes où ailleurs ; Opération délicate il est préférable de s’adresser à une personne qualifiée dans ce domaine.
    Merci à ce site et votre aide!

  7. Christelle 26 août 2019 at 7 h 34 min

    Bonjour Olivier, oui vous avez sans doute raison sur ces repas que ne nous procurent que très peu de sensation mais ce handicap amène un tel vide dans votre vie qu’il faut une force incroyable pour sortir la tête de l’eau. Je suis anosmique depuis 6 ans, après une dépression de plusieurs années durant laquelle j’ai perdu mon emploi et beaucoup de mes proches, je commence à revivre un peu mais sans vraiment de goût à la vie. Les repas sont tristes et ne font qu’ajouter de la douleur à ce bouleversement dans nos vies. Comme le dit souvent Jean-Michel, il faut être positif, la vie vaut d’être vécue et il faut se battre face à cette épreuve, j’essaye de m’en inspirer, je verrai bien.
    Soutien à tous ceux qui souffrent, amicalement, Christelle

  8. Marie-José 25 août 2019 at 17 h 38 min

    Merci pour ce touchant témoignage.
    Marie-José, anosmique traumatique depuis plus de trente ans.

  9. Baptiste 24 août 2019 at 21 h 40 min

    Bonsoir tout le monde,
    Encore un témoignage qui restera gravé dans notre histoire. J’imagine la détresse d’Isabelle à cette époque, ça devait être encore pire qu’aujourd’hui au niveau de la prise en compte de ce handicap (et aujourd’hui c’est proche de 0). Bref, ce témoignage doit soulager ceux qui peuvent les réaliser, moi je n’ai pas encore osé…

    Manu, n’hésitez pas à appeler Jean-Michel ou à lui envoyer un message, il trouvera les mots et vous transmettra pleins d’informations sur l’anosmie, il réalise un travaille remarquable.
    Tout mon soutien aux anosmiques
    Baptiste

  10. Robbe Olivier 24 août 2019 at 11 h 46 min

    Etonnant ce témoignage comme tous ceux que j’ai lu moi qui ne suis pas atteint de ce mal. Sur les aliments, il faut que ce soit joli ! je trouve cette réflexion super ! C’est vrai que le plaisir peut aussi être visuel ( heureusement ) y verrait on une forme d’instincto-thérapie ? Manger en priorité ce qui nous plait et nous attire. Maigre consolation sans doute mais une des richesses de la vie sans doute aussi…
    En tout cas, de tout coeur avec Isabelle et ses proches. Et grand merci à Jean Michel pour la trop courte discution que nous avons eu.

  11. Anonyme 23 août 2019 at 20 h 41 min

    Merci pour le témoignage.
    Je suis anosmique depuis 5 mois et tout ce que vous dites des conséquences me parle déjà..
    Et j”ai depuis peu cette envie de rencontrer des personnes qui vivent ou on vécu ça.

    Bonne continuation 🙂
    Manu

  12. Fabrice 23 août 2019 at 15 h 44 min

    Bonjour Isabelle,
    Merci pour ce témoignage émotionnellement fort.
    C’est vrai que mes deux seuls craintes d’anosmique récent sont de manger des aliments avariés et de sentir mauvais. Comme vous le dites, ce sont de nouvelles habitudes a prendre et surtout l’obligation d’avoir une hygiène de vie irréprochable.
    Excellente continuation à vous.
    Amicalement,
    Fabrice

  13. Laetitia 23 août 2019 at 15 h 42 min

    Merci pour ce beau témoignage.
    Laëtitia, anosmique congénitale

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