10 questions à ‘Wendie.A’ – anosmique en raison d’un traitement médicamenteux

Bonjour à tous,

 

Un témoignage poignant et bouleversant lors d’une de nos réunions en visio m’a poussé à demander à Wendie de participer à cette rubrique de ’10 questions a…’ .

Vous trouverez dans les quelques lignes ci-dessous l’histoire de Wendie, sa vision des choses, ses doutes, ses questions et cette envie, nécessaire, de partager son anosmie.

 


 

Bonjour Wendie, ce qui t’as bouleversé c’est bien de rencontrer pour la première fois des personnes qui pouvaient comprendre ce que tu vivais au quotidien et c’est bien là le rôle de notre association. Après cette réunion tu nous écrivais ton envie de sortir du silence et l’importance de le faire, pour toi, pour ta vie de femme.

Tu as souhaité que cette interview soit anonyme.

 

Wendie : Je me suis rendue compte que je ne sentais plus aucune odeur vers l’âge de 18 ans. Cela fait maintenant 6 ans et pourtant je commence tout juste à assumer cette particularité comme étant un réel handicap. Pendant mes années d’études j’ai vécu sans odorat comme si de rien n’était, comme si c’était normal car d’un côté je ne savais pas comment expliquer ce phénomène aux autres et d’un autre côté les ORL que je consultais, minimisaient mon problème et ils ne savaient pas comment m’aider en dehors des traitements de cortisone. Mon anosmie serait dûe à une prise de pilule contraceptive, générique de diane 35, qui aujourd’hui est connue pour avoir provoqué certaines maladies chroniques.

 

Prête pour cette interview ?

 


 

Question n°1 : Peux-tu nous dire quand et comment tu es devenue anosmique, à quel âge ?

WA : J’ai commencé à me rendre compte que je ne sentais plus aucune odeur environ vers l’âge de 18 ans. C’était durant la première année de mes études supérieures.

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ? Et pourquoi ?

WA : Non je ne savais pas que perdre l’odorat puisse être possible. Peu informée sur ce sujet ni à l’école ni dans ma famille, je n’avais aussi jamais rencontré quelqu’un qui avait ce handicap. Je pensais naïvement que l’odorat était un sens qui était inné et inaltérable.

 

Question n°3 : Comment t’es-tu organisée pour vivre au quotidien avec ce handicap ?

WA : Dans les débuts, toute seule en appartement, j’ai fait un peu comme j’ai pu mais j’avais conscience que la situation présentait certains risques comme ne pas pouvoir sentir une fuite de gaz, de la fumée ou ne pas pouvoir sentir les produits périmés par exemple. Je me suis vite arrêtée de manger de la viande et des produits laitiers, dans le doute qu’ils soient mauvais. L’année suivante j’ai opté pour une colocation. Plus sécurisant pour moi et je savais que je pouvais compter sur le soutien de mes colocs.

 

Question n°4 : Qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?

WA : C’est difficile de répondre à cette question. Chaque détail me manque, de la tartine grillée du matin, à l’odeur de ma mère, jusqu’à ma propre odeur à moi. L’odeur des lieux que j’ai pu fréquenter, des apparts dans lesquels j’ai vécu. Les odeurs passées, les odeurs actuelles. J’ai aussi constamment peur de perdre la mémoire à force que mes souvenirs ne soient plus sollicités par les odeurs du quotidien ou les odeurs passagères.

 

Question n°5 : Comment se passent tes repas aujourd’hui ?

WA : La cuisine est une activité qui nous fait du bien, nous rassure, nous donne du plaisir. Quand on perd l’odorat on peut très vite perdre l’envie de cuisiner. Certaines périodes ont été plus dures que d’autres. J’essaie tous les jours de ne pas céder à la tentation de bâcler mes repas et manger juste pour me nourrir. Mes astuces : miser sur les couleurs et les textures ! Curcuma, paprika, graines de sésame, pignons de pin, fleurs comestibles… il faut en permanence innover, s’intéresser à d’autres manières de cuisiner. Le fait d’avoir toujours autour de moi des amis, de la famille me donne toujours un peu d’énergie. Il me faut constamment chercher de la satisfaction ailleurs. Parfois peut être s’acheter de belles assiettes, beaux couverts, ça peut aider à donner plus envie de manger.

 

Question n°6 : En parles-tu autour de toi ? A tes proches ?

WA : Mes proches sont au courant. Quand je rencontre de nouvelles personnes je le place assez vite dans la conversation pour ma sécurité et celle des autres. Il ne faut pas compter sur moi pour sentir le gâteau qui brûle dans le four. Sur le point de vue du handicap et des troubles psychologiques que cela engendre chez moi, je n’en parle que depuis 1 an.

Avant je pensais que ça n’intéressait personne et puis souvent quand on aborde le sujet on obtient en retour des remarques comme « pratique quand ça pue ! » et ça donne pas envie d’aller plus loin. Je me suis donc beaucoup isolée dans ce problème, à cause de l’incompréhension des autres et la lassitude quotidienne. Petit à petit cette situation a provoqué une perte d’identité, j’avais perdu ma propre odeur, l’odeur de ma chambre, de mon parfum, de mon savon, tout était en train de se déliter sous mes yeux et j’ai commencé à prendre cette situation comme acquise, je ne demandais plus le soutien de mes proches, je me disais que c’était comme ça et puis c’est tout. L’invisibilité de ce handicap le rendit quasi absent.

A la suite j’ai rencontré un vrai manque de soutien de la part des ORL que j’ai consultés, comme si pour eux le handicap de l’anosmie n’existait pas, ils refusaient d’en parler. Ils ne savaient visiblement pas quoi faire pour m’aider, m’envoyaient voir d’autres spécialistes pour clore mon dossier et j’ai subi des interventions chirurgicales qui se sont révélées bidons. J’ai arrêté de consulter suite à une chute d’escarre (ouverture des plaies et saignement abondant) après une ablation des amygdales. A ce moment-là j’ai vraiment cru que j’allais y passer. 3 ans plus tard j’ai recommencé à avoir confiance en les spécialistes ORL grâce à la bienveillance du Dr Chhuor que j’ai trouvé dans la rubrique réseau anosmie sur votre blog.

 

Question n°7 : L’anosmie t’a-t-elle apporté quelque chose de positif ?

WA : L’anosmie m’a apporté une ouverture d’esprit. Cela m’a permis de prendre vraiment conscience de l’importance des odeurs dans la vie quotidienne, et du bonheur que peut procurer une odeur que l’on aime. Malheureusement on se rend souvent compte de ce que l’on a quand on le perd.

Aujourd’hui ce handicap me rend vulnérable certes mais je cherche toujours à ce que ça me rende plus forte aussi. Je me bats tous les jours pour ne pas céder à la tentation de m’isoler. Je fais donc le choix de m’en sortir et d’assumer ma ‘différence sournoise et invisible. Je la montre comme une particularité plus qu’un défaut.

Ça me fait penser. Dans la série Star Trek Next Génération de 1980, un des personnages de l’équipage, Geordi La Forge, aveugle de naissance porte une visière qui lui permet de capter les fréquences de chaleurs. Il ne voit pas comme un voyant normal mais peut percevoir l’espace et les individus grâce à d’autres paramètres. Son handicap n’est pas présenté comme une faiblesse mais au contraire comme une différence presque avantageuse sur les autres. Sa particularité a d’ailleurs permis de sauver l’équipage à de nombreuses reprises.

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ?

WA : Oui de temps en temps pour sortir je me parfume. Ça parait curieux comme geste mais ça me permet de garder une part de mon identité, mon entourage me reconnait bien à ce parfum et comme il est assez fruité il est agréable pour les autres.

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques ?

WA : Je dirais de ne pas s’empêcher d’en parler, ne pas s’isoler est la première chose à faire même si cela n’est pas simple. Il faut essayer de garder le moral et quand on chute, ne pas hésiter à demander de l’aide à quelqu’un qui comprend. Je dirai également qu’il est important de bien se renseigner sur le fonctionnement des organes qui sont concernés, pour quelles raisons sommes-nous anosmique ou comment pouvons-nous nous soigner quand c’est possible. Avoir une bonne connaissance du système permet d’être mieux conscient de ce qui se joue en nous pour mieux combattre ou pour mieux relativiser nos angoisses. En dernier point je conseille aussi de prendre avec des pincettes les paroles et les diagnostiques de certains spécialistes ORL, je me suis trop souvent retrouvée anéantie par le manque de considération que j’ai pu subir…

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

WA : Dans 10 ans j’aurai 36 ans, je serai plus solide, j’aurai continué à me battre pour garder le moral et avec un peu de chance j’aurai trouvé tous les remèdes qui m’auront permis d’atténuer mes troubles ou de mieux vivre avec.

 

Merci du fond du cœur Wendy 😉

 


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Wendy et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel Maillard

10 questions à ‘Pierre.L’ – anosmique – polypose nasosinusienne (PNS)

 

Bonjour à tous,

 

De la volonté, de la réflexion, du courage ainsi que l’aide de ses proches, c’est ce qui permet à Pierre de traverser, tant bien que mal l’épreuve de l’anosmie. Atteint d’une polypose nasosinusienne qui l’oblige à suivre des traitements médicaux assez lourds, Pierre ne cesse de penser que le meilleur est à venir…

Vous trouverez dans les quelques lignes ci-dessous l’histoire de Pierre, ses choix, ses propres solutions et cette envie de pousser ce handicap pour le faire connaitre. C’est une envie de partage et d’optimisme qui a poussé Pierre à témoigner.

 


 

Bonjour Pierre, l’année 2013 fut pour toi un basculement avec l’apparition de ces troubles de l’odorat et la découverte de tout ce monde merveilleux…qu’étais le monde olfactif. Ton témoignage, chargé d’obstination est bouleversant, il permettra d’aider ceux qui souffrent d’anosmie mais aussi de transmettre des informations importantes à ceux qui ont encore le sens de l’odorat. Tu as souhaité que cette interview soit anonyme.

 

Prêt ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment tu es devenu anosmique, ce qu’il s’est passé ?

Pierre : En 2013, une de mes narines s’est progressivement bouchée, je suis allé voir mon médecin qui m’a donné un décongestionnant par voie nasale assez puissant selon lui pour résoudre le problème. Progressivement, la deuxième narine s’est également bouchée en plus de la première et je me suis aperçu que je n’avais plus de goût ni d’odorat. Je suis allé le revoir. Il m’a alors prescrit un traitement de cheval à base de cortisone et de décongestionnant, un vasoconstricteur très puissant. Au bout de quelques jours, j’ai récupéré le goût et l’odorat, un odorat très fin, que je n’avais pas connu depuis des années. Suite au traitement, j’arrivais à détecter les odeurs, bonnes ou mauvaises à une grande distance. J’ai fait un scanner dans la foulée du traitement, résultat sans appel : polypose naso-sinusienne, assez marquée pour provoquer l’étonnement du radiologue.

Pour faire simple : tous mes sinus présentent un épaississement de la muqueuse, empêchant les molécules odorantes d’arriver jusqu’aux récepteurs. C’est une maladie chronique, à vie.

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ?

Pierre : Non, c’est en me renseignant sur la maladie et en consultant des témoignages que je l’ai découvert. J’étais pétrifié au fur et à mesure que les symptômes revenaient, les effets du traitement diminuant. L’odorat a toujours été précieux pour moi, l’idée de le perdre, surtout définitivement, a généré une grande peur qui m’a menée à une grande dépression dans les mois qui ont suivi le diagnostic.

 

Question n°3 : Comment as-tu organisé ton quotidien pour vivre avec ce handicap ? Y-a-t ’il eu un impact sur ta vie professionnelle ?

Pierre : Indirectement, mon moral étant en berne, le stress m’ayant fait perdre beaucoup de poids, je n’étais plus le même au travail. J’ai consulté de nombreux spécialistes, rarement compréhensifs par rapport à la perte d’un sens qu’ils considèrent comme secondaire. Et puis, avec cette perte, j’ai réalisé qu’avoir tous nos sens actifs était une chance, un bonheur. J’ai revu mes priorités dans ma vie, la vie professionnelle est passée au second plan.

 

Question n°4 : Comment la situation a-t-elle évolué au fur et à mesure que les années passaient, par quelles phases es-tu passé ?

Pierre : En me renseignant sur ma maladie et sur les autres causes d’anosmie, j’ai réalisé ma chance : dans mon cas, ce symptôme est, à ce jour, réversible. J’ai également découvert rapidement les effets de l’alimentation hypotoxique sur de nombreuses pathologies dont la mienne. Ces deux éléments, associés au soutien de ma femme et des mes enfants, m’ont permis de surmonter la dépression. J’ai suivi une alimentation particulière mais avec des hauts et des bas : très sérieux dans un premier temps, j’ai pu voir les effets bénéfiques qui m’ont conduit à un retour de l’odorat et du goût mais dès lors, je me jetais sur des aliments peu recommandables et perdait donc de nouveau mes sens…J’ai fait ce yoyo de nombreuses années…Malgré tout, grâce à cette alimentation, j’ai pu échappé à l’opération souvent proposée par les spécialistes mais qui présente un taux de récidive important.

 

Question n°5 : Qu’est-ce qui t’a le plus manqué depuis ton accident ?

Pierre : Sans aucun doute, l’accès aux souvenirs permis par l’odorat, le fond de l’air d’une nuit d’été, l’odeur de la pluie sur la terre chaude mais surtout la sensation d’être en vie, cette conscience élargie difficilement descriptible mais que je vivais au fur et à mesure de mes périodes de récupération. Il ne suffit pas de se boucher le nez pour savoir ce qu’est la perte d’odorat, je ne sais plus qui a dit cela mais c’est bien vrai. J’ai connu des malheurs dans ma vie mais la perte de ce sens est sans aucun doute mon plus grand malheur, l’événement le plus marquant de ma vie. Je ne pourrais pas dire cela à tout le monde mais je sais que si d’autres anosmiques me lisent, ils me comprendront.

 


 

Parfois, il m’arrive de capturer, une fraction de seconde, une odeur subtile (mais bien réelle après confirmation de mon entourage) et je sais alors que le combat n’est pas perdu, les récepteurs sont toujours là mais les odeurs sont bloquées par la muqueuse inflammée de mes sinus. Ces moments me donnent du courage.

 


 

Question n°6 : Comment se passe tes repas aujourd’hui, ton rapport à la nourriture ?

Pierre : Je fais globalement attention à mon alimentation qui a des influences sur ma pathologie sinusienne mais aussi sur mes crises de migraine. Je connais parfois des épisodes de surinfection pour lesquelles je reçois un traitement à base de cortisone qui me permet de recouvrer quelques temps une partie de mes sens. J’essaie de me consoler avec les textures, les souvenirs des aliments et la convivialité qui les accompagne parfois.

 

Question n°7 : En parles-tu autour de toi ? A tes proches ? Dans ton travail ?

Pierre : C’est très rare que j’en parle au travail. Je suis toujours un peu « honteux » face à ce handicap. Mais je m’« amuse » à détecter les anosmiques autour de moi, dans mes connaissances. Statistiquement, je sais qu’il est probable d’en croiser et j’en ai croisé quelques-uns ! Mes proches sont au fait de ma condition, je sollicite régulièrement leur odorat pour confirmer la qualité ou la fraîcheur d’un aliment.

 


 

Lorsque mon médecin me prescrit une cure de cortisone (au maximum 4 fois par an car ce traitement possède de nombreux effets secondaires à plus ou moins long terme), j’achète un savon de luxe et je l’utilise pendant toute la période de récupération.

 


 

Question n°8 : La question est un peu compliquée mais l’anosmie t’a-t-elle apporté quelque-chose de positif ?

Pierre : Oui, sans aucun doute ! Elle m’a bouleversé et elle m’a permis de me recentrer sur mes priorités dans la vie. En créant un grand manque, elle a généré l’opposé, une grande motivation à retrouver pleinement mes sens et une grande joie à la perspective de vivre un jour ce retour à la normale. Pour mon cas de figure, je sais que c’est possible avec une grande détermination et une grande discipline. Je n’étais pas aussi heureux avant ma pathologie car je ne réalisais pas la chance que j’avais. Cela peut sembler bizarre ou exagéré mais c’est pourtant bien ce que je ressens. Mon anosmie m’a également permis de m’interroger sur mon rapport à la nourriture tout comme le rapport à la nourriture dans nos sociétés modernes.

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ?

Pierre : Oui, tout comme je fais attention à mon hygiène, pour moi, pour mon entourage, à défaut de pouvoir me sentir.

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques, à ceux qui souffrent ? Quels sont tes petits secrets pour améliorer ta qualité de vie mais aussi profiter de la vie malgré ce handicap ?

Pierre : Je voudrais dire à tous les anosmiques de garder espoir. Quelle que soit l’origine de leur perte. A tous ceux qui ont perdu l’odorat à cause d’une inflammation des sinus, je leur dirais de se renseigner sur les traitements alternatifs qui peuvent exister, de ne pas compter uniquement sur leur médecin. A titre d’exemple, j’ai eu des cures de cortisone très dosées qui ont eu leurs effets mais j’ai aussi fait une cure thermale de 3 semaines l’année dernière. Mon médecin semblait septique quand je lui en ai fait la demande mais après cette cure, les effets (temporaires) ont été très marqués, sur mon odorat, mon goût et ma capacité respiratoire. Je n’ai jamais eu d’effets aussi forts avec la cortisone alors qu’elle est réputée très puissante. Il faut donc s’ouvrir à des traitements alternatifs qui ne seront pas forcément proposé par la médecine conventionnelle.

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

Pierre : Que la science et nos connaissances nous permettent de « guérir » tous les anosmiques.

 


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Pierre et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel Maillard

 

10 questions à ‘Hélène Labadie’ – hyposmique – touchée par une polypose nasosinusienne

Bonjour à tous,

 

Lorsque Hélène me contact en janvier 2019, elle souhaite mener un projet mêlant l’anosmie avec sa spécialité, le design produit. Je découvre alors une jeune femme pleine de générosité, d’énergie, impliquer dans son art, ses études, son futur métier et nous construisons, ensemble un évènement que l’association réalisera quelques mois plus tard à la faculté de médecine de Caen.

Vous trouverez dans les quelques lignes ci-dessous le témoignage d’Hélène, sa vision de l’odorat, de ses troubles et de ses conséquences au quotidien, un témoignage généreux.

 


 

J’ai rencontré Jean-Michel et certains membres de l’association à l’occasion de mon mémoire de fin d’étude porté sur l’anosmie, travail qui a finalement représenté le début de l’acceptation de mon handicap.

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment tu es devenu hyposmique, à quel âge, ce qu’il s’est passé ?

HL : Je suis devenue hyposmique vers 20 ans, suite à l’évolution de mon syndrome de Widal et donc de mes polypes. J’avoue avoir été beaucoup plus frappée par ma difficulté à respirer qui, d’un point de vue pratique, est nettement plus handicapante que la perte d’odorat.

 

Le syndrome de Widal (aussi appelé triade de Widal, « triade de Samter » dans le monde anglo-saxon) est un syndrome associant asthme, polypose naso-sinusienne et intolérance à l’aspirine1 (voir sensibilité au salycilate), aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ainsi qu’à certains colorants alimentaires tels que E102 et E110.

Sa recherche est menée dans une démarche diagnostique de causes non allergéniques d’hyperéosinophilie, avec typiquement le NARES (Non Allergic Rhinitis with Eosinophilia).

Il a été décrit en 1929 par le médecin français Fernand Widal.

Source Wikipédia

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savez-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ? et pourquoi ?

HL : Je n’en avais jamais entendu parler, et je ne m’étais pas non plus posé la question. Je me souviens seulement de mon odorat, sensible au point de partir de chez mes parents lorsque ma mère cuisinait des tripoux. Une madeleine de Proust pas très sexy.

 

Question n°3 : Comment t’es-tu organisé pour vivre au quotidien avec ce handicap ?

HL : Je n’ai pas eu besoin d’organisation particulière. Je fais peut-être plus attention au gaz ou à une bougie restée allumée, sans pour autant me sentir en insécurité.

 

Question n°4 : Que penses-tu de la culture olfactive Française ?

HL : La culture olfactive française se limite souvent à son utilisation commerciale, je trouve ça dommage.

Il y a cependant un intérêt grandissant pour le “bien-être”, et dans cette dynamique, le rôle de l’odorat semble retrouver peu à peu la place qu’il mérite.

 

As-tu une 1ère anecdote cocasse liée à ton anosmie ?

HL : Il m’arrive de pouvoir sentir quelque chose et que cette odeur me reste dans le nez pendant plusieurs heures. C’est très perturbant de continuer à sentir quelque chose qui ne correspond pas du tout à ce que l’on voit !

 

Question n°5 : Et ton choix professionnel, un lien avec l’anosmie ?

HL : Ma volonté de devenir designer d’objet est venue avant mes troubles d’odorat. Cela dit, utiliser mon expérience pour servir mon projet de fin d’études a été très intéressant à plusieurs niveaux.

 

JMM : Hélène à participé en avril 2019 à un évènement avec l’association à la faculté de médecine de Caen. Il s’agissait d’un atelier autour de l’odorat pour faire découvrir les subtilités de ce sens aux étudiants de médecine. Vous pouvez consulter l’article de cet évènement en cliquant ICI.

 

Question n°6 : Si tu devais transmettre un message ‘amical’ aux normosmiques (ceux qui ont l’odorat) pour qu’ils comprennent davantage notre handicap, lequel serait-il ? 

HL :  J’ai pas encore trouvé la phrase magique… Je pense qu’il faut s’armer de patience et peut-être faire appel à eux pour nous décrire telle ou telle odeur dans différents endroits, à différents moments. Ça peut permettre de leur faire remarquer l’impact que telle ou telle odeur a sur eux, et réaliser ce qu’ils ont en plus de nous.

 

Question n°7 : Quelles ont été tes démarches médicales, psychologiques ou autres ?

HL : Il s’agit davantage de démarches médicales que psychologiques. Je suis suivie par un médecin ORL avec laquelle j’ai des séances de laser pour diminuer l’étendue des polypes. J’ai eu recours à la chirurgie en novembre 2019, je ne pouvais plus respirer par le nez, c’était épuisant et je ne me supportais plus. Mon ORL a repoussé cette opération le plus possible et essayé d’impacter le moins possible ma muqueuse nasale, pour ne pas la fragiliser. Cela a aussi impliqué de ne retirer qu’une partie des polypes, ceux qui me gênaient pour respirer, sans aller jusqu’à ceux qui empêchent les senteurs d’arriver jusqu’à mon bulbe olfactif (qui est fonctionnel).

 

Polypose Naso-Sinusienne (PNS) - orl.nc
https://orl.nc

 

C’est assez frustrant de ne pouvoir faire appel qu’à des solutions temporaires pour dégager mes sinus, et la cortisone est devenue mon meilleur ennemi.

 

J’ai quand même espoir dans les avancées scientifiques en ce qui concerne la polypose.

 

Par ailleurs, il m’arrive de sentir, ou d’avoir l’impression de sentir, lorsque je ne sais quelle combinaison de facteurs se retrouvent. Chaleur, humidité, état de mon organisme après avoir mangé quelque chose, fait du sport..? Toujours est-il que je prend le temps d’analyser ce qui est arrivé jusqu’à mon cerveau et c’est un réel plaisir qui m’aide à patienter.

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ? pourquoi ?

HL : Ça m’arrive, quand j’y pense ou quand j’ai l’impression que je vais peut-être pouvoir le sentir. J’essaie de le sentir à chaque fois, et parfois ça fonctionne, et c’est magique.

 

As-tu une 2ème anecdote cocasse liée à ton anosmie ?

HL : Je tiens à remercier ma meilleure amie qui n’a aucun mal à me dire si je sens mauvais, et mes amis en général, je pense qu’il n’y a pas de quoi être gêné, je trouve ça bien pire de rester avec cette incertitude.

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux personnes hyposmiques touchés par une polypose naso-sinusienne ?

HL : De ne pas se gaver de cortisone, c’est un faux bon allié qui peut donner accès à l’odorat tout en endommageant le reste de l’organisme sur le long terme. Faire l’effort d’avoir une hygiène nasale nickel.

Éviter les sulfites (si vous y êtes sensibles) quand on peut sans pour autant se pourrir la vie : un verre de vin de temps en temps est un plaisir auquel je ne renoncerai pas !

 

Question n°10 : Ton rêve dans 5 ans, 10 ans ?

HL : Je ne me projette pas tellement dans 5 ou 10 ans mais en ce qui concerne mon anosmie j’ai vraiment espoir en la médecine et j’espère de pas avoir à revivre une opération dans l’unique but de me soulager temporairement.

 


Vous pouvez télécharger le mémoire de fin d’étude d’Hélène, un travail remarquable (CLIQUEZ ICI)


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Hélène et ça fera avancer les troubles de l’olfaction 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

Jean-Michel Maillard

Témoignage de Carmen – hyperosmie et conséquences

Bonjour à tous,

 

L’hyperosmie est l’exacerbation de l’odorat. Elle se manifeste parfois chez la femme enceinte, à la suite de diverses maladies dont des états névrotiques. Elle peut également être liée à la prise de certains types de médicaments.

L’hypersomie s’oppose à l’anosmie et diffère de la phantosmie.

 

La privation des odeurs perturbe et transforme nos vie, nous l’évoquons souvent ensemble à travers les différents articles publiés. Le témoignage que vous trouverez ci-dessous est celui d’une femme, frappée d’une hyperosmie dont les conséquences ont bouleversé sa vie. Du matin au soir, du soir au matin, la nuit, le jour, chaque rencontre, chaque situation de la vie ordinaire, chaque odeur se transforme en calvaire aux conséquences parfois vitales…

6 années à souffrir, à chercher des solutions, en vain et une organisation quotidienne à mettre en place pour vivre ou survivre tant bien que mal. Un témoignage difficile mais au combien important pour faire avancer la connaissance des troubles de l’olfaction.

 


 

Merci Carmen, ton courage et ta détermination sont remarquables et forcent le respect, tu as souhaité que cette interview soit anonyme, la parole est à toi…

 

“En septembre 2013, j’ai commencé à avoir des vertiges tous les soirs puis ils apparaissaient dans l’après-midi et ensuite je les avait en permanence, ce qui me réveillait la nuit avec des nausées.

Le 18 octobre 2013, je me suis effondrée au sol et l’IRM m’a décelé une maladie rare, incurable car il n’existe ni médicament ni opération possible.

Cette maladie orpheline entraîne plusieurs symptômes que l’on ne peut me soigner puisque mon corps n’accepte aucun médicament (même pas un doliprane, ni d’huiles essentielles, ni homéopathie, rien).

Depuis tout ce temps, j’ai dû apprendre à vivre avec ces vertiges (que j’ai classés en 3 niveaux), à me déplacer, me baisser, me relever donc je me réveille avec, je vis toute la journée avec et je m’endors avec ces vertiges. Ceux-là, je les ai classés n°1.

 

Mon corps a atteint ses limites et je m’évanouis

 

Un des symptômes qui m’handicape le plus, qui me désociabilise, qui m’isole à 90 % est l’olfaction. Malheureusement, je ne supporte plus aucune odeur (parfum, alimentaire, produit ménager…) car en quelques secondes, j’ai un mal de tête épouvantable, je n’arrive plus à me concentrer, ma mémoire me lâche, ma mâchoire se bloque, mon corps s’engourdit, les vertiges sont beaucoup plus forts donc je dois rapidement sortir de la pièce, aller à l’extérieur malgré le froid, attendre que les vertiges se calment pour pouvoir conduire ma voiture et rentrer chez moi. Ceux-là, je les ai classés n°2.

Mais lorsque cela arrive chez moi, car bien évidemment mes voisins cuisinent et les odeurs entrent par les VMC (malgré tout le coton que j’y ai mis) et qu’ils cuisinent également sur leur balcon surtout à certaines périodes de l’année, je dois immédiatement fermer les portes-fenêtres de la cuisine et salle à manger (mais les odeurs passent par les aérations malgré tout le coton que j’y ai placé) car les odeurs montent (et je suis au dernier étage) pour aller m’enfermer dans ma chambre durant des heures.

 

je dois me mettre un pince-nez (comme pour la natation) et un masque rigide

 

Malheureusement, très souvent, je n’ai pas le temps d’arriver jusqu’à ma chambre car en fonction de la journée que j’ai eue (les collègues et/ou le public que je reçois se sont parfumés, les agents qui tondent la pelouse donc je dois fermer la fenêtre de mon bureau malgré la canicule), mon corps a atteint ses limites et je m’évanouis. Lorsque je reprends conscience, je vois souvent du sang par terre car je me suis égratignée le bras, la jambe ou je saigne du nez et j’ai beaucoup de bleus sur mon corps. Ceux-là, je les ai classés n° 3.

Comme j’ai été reconnue “travailleur handicapé”, j’ai pu enfin négocier mes horaires de travail pour commencer tôt le matin et finir tôt l’après-midi car je dois cuisiner mes propres repas en arrivant, les laisser refroidir sur le balcon et dois manger froid (été comme hiver), je ne réchauffe jamais mes plats à cause des odeurs. Pour pouvoir cuisiner, je dois me mettre un pince-nez (comme pour la natation) et un masque rigide. Dès que j’ai terminé de manger, mon fils peut enfin se préparer à manger donc j’ai dû lui apprendre à cuisiner. En hiver, je dois rester sur le balcon avec un grand manteau, porte-fenêtre ouverte pour lui dire ce qu’il doit faire mais lui aussi a froid donc il cuisine avec son blouson et j’ai peur qu’il se brûle. Quand il a fini de cuisiner, il doit manger avec son blouson et la porte-fenêtre ouverte pour que les odeurs partent et moi je dois aller dans ma chambre en espérant ne pas m’évanouir avant.

 

La plupart du temps, mon fils mange des plats cuisinés à réchauffer au micro-ondes et s’il voit que je ne me sens pas bien à cause des odeurs que j’ai subies dans la journée, il mange des sandwichs

 

Pour ce qui est des produits d’hygiène et d’entretien, je suis obligée d’acheter des produits “sans odeur” quel que soit leur prix.

J’ai consulté plusieurs ORL en leur demandant s’il était possible de me fabriquer un bouchon que l’on me placerait à l’intérieur du sinus (comme les diabolos contre les otites) mais mis suffisamment haut afin que le mucus passe et ne me dessèche pas la gorge et tous me disent que “c’est compliqué, que je ne suis pas une sportive de haut niveau et comme je suis un cas exceptionnel, il n’y a aucun budget juste pour moi.”

Je pourrais vous donner plus d’exemples sur les odeurs qui m’incommodent mais il y en a tellement…

 

Je vous laisse juste imaginer ce que je vis au quotidien, du matin au soir depuis tant d’années…

 

Carmen

 


 

Ce témoignage m’a personnellement bouleversé tout comme les différents échanges avec Carmen car il met en lumière un impact méconnu des troubles de l’olfaction. Les conséquences sur la vie des personnes touchées sont très importantes et s’y habituer semble très difficile voire impossible.

Carmen utilise à présent un filtre nasal et a souhaité transmettre cette petite astuce à ceux qui se trouveraient dans la même situation. La marque ce ces filtres est Best-Breathe. Ces filtres sont utilisés pour lutter contre les allergènes, la pollution, les acariens et les particules fines mais n’empêchent pas totalement le passage des odeurs.

Suite à nos discussions, j’ai proposé à Carmen d’entrer en contact avec le fabriquant Espagnol pour qu’il conçoive un filtre spécifique pour stopper les odeurs sans assécher la muqueuse. Cette demande est en cours, j’espère avoir un retour favorable à cette initiative.

Par ailleurs, Carmen m’a prévenu de la diffusion d’un reportage dans l’émission ‘la quotidienne‘ sur la chaine France 5. Il y est évoqué une partie des troubles rencontrés et l’approche qui en est faite dans d’autres pays du monde. Vous trouverez la vidéo ci-dessous.

 

” target=”_blank” rel=”noopener noreferrer”>Cliquez-ici pour regarder la vidéo

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Carmen et ça fera avancer la connaissance des troubles de l’olfaction😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

10 questions à ‘Marie-José M.’ – anosmique traumatique suite à des violences conjugales

 

Bonjour à tous,

 

C’est une envie de crier son histoire qui a poussé Marie-José à me transmettre son témoignage après quelques mois d’échanges de mails. Ses mots, ses douleurs résonnent… tant son histoire nous rappelle que les combats actuels pour la protection des femmes sont un mal profond de notre société et doivent impérativement être livrés, qu’une agression peut changer une vie à tout jamais.

 


 

Bonjour Marie-José, merci de partager avec nous aujourd’hui ton témoignage, il est bouleversant, tu as souhaité que cette interview soit anonyme.

 

Prête ? 😉

 

Je suis maintenant âgée de 72 ans, et je me sens jeune encore. J’ai subi un traumatisme crânien à l’âge de 37 ans, ce qui signifie que presque la moitié de ma vie a été vécue sans odorat et presque sans goût. Pour moi qui adorais cuisiner (j’ai même suivi des cours de cuisine à Paris alors que j’y ai vécu durant trois belles années)… ce fut un grand malheur. Une catastrophe, pour être franche.
Lors d’un voyage en Martinique et en Guadeloupe, j’ai été victime de voies de fait de la part d’un ex-conjoint. Commotion cérébrale. Je n’ai été vue par un neurologue que quelques semaines plus tard. Ne sentant plus rien, je croyais que je faisais une sinusite (j’y étais sujette) et que tout allait se replacer. Je souffrais aussi de vertiges en position allongée et cela a commencé à m’inquiéter. J’ignorais totalement que j’avais subi une commotion cérébrale, je n’ai pas été soignée sur place. Le neurologue (très respecté à Montréal à cette époque) m’a fait passer un scan pour vérifier la présence possible d’un hématome. Il n’y en avait pas. Il m’a expliqué que lors de l’incident, le choc à l’arrière du crâne avait fait se déchirer les filets nerveux qui relient le nerf olfactif au cerveau. Il m’a dit aussi que si ces nerfs n’avaient qu’été endommagés, je pourrais retrouver l’odorat en quelques années. J’ai espéré, en vain.
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Marie-José
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Pendant plusieurs semaines, j’ai eu dans la bouche un goût métallique très désagréable. Puis, cela s’est atténué. J’ai dû réapprendre à cuisiner, mais au début, ce handicap m’a surtout troublée au niveau de ma sécurité et de ma relation à autrui. Je dois dire que, même après tant d’années, je déteste me retrouver dans un groupe alors que la promiscuité me cause toujours un malaise, surtout s’il fait chaud. Est-ce que je dégagerais une odeur désagréable? M’étant retrouvée célibataire, j’ai continué à travailler dans le domaine des communications et relations publiques et ma perte de l’odorat m’a toujours inquiétée, jusqu’au jour béni où j’ai commencé à travailler comme travailleuse autonome en rédaction. Seule devant mon ordi, que je me sentais à l’aise !
Peu de gens connaissent mon handicap en dehors de ma famille et de quelques amis proches. Quelques-uns le banalisent. C’est un handicap invisible. Et je n’aime pas m’apitoyer sur moi-même. Alors j’en parlais et j’en parle encore le moins possible, en espérant que personne ne s’en rende compte. J’ai cessé de porter mon parfum, de peur d’en abuser. J’achète les meilleurs désodorisants, en me croisant les doigts pour qu’ils soient efficaces. J’ai déjà demandé conseil à l’une de mes sœurs et elle m’a dit que je ne devrais pas m’inquiéter car je suis très propre. Mais vous pourrez comprendre que cela n’est pas si simple.
 
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Souvent, j’ai eu envie de CRIER mon désarroi, ma frustration, ma détresse.
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Concernant la nourriture, j’ai eu le bonheur de rencontrer il y a dix ans  un monsieur délicat et prévenant et bon cuisinier en plus. Alors que je cuisinais surtout pour bien m’alimenter, il m’a aidée à redécouvrir le plaisir de mijoter de bons petits plats. Mes connaissances me permettent de réussir quelques merveilles, mais c’est lui qui doit vérifier l’assaisonnement au final… Évidemment, le fait de lui faire plaisir compte beaucoup lorsque je cuisine pour nous deux. J’apprécie les couleurs et les textures variées, l’alliage du sucré et de l’acide, donc la cuisine d’inspiration asiatique. Nous vivons chacun dans notre chez-soi mais quand il me rend visite, je lui demande de humer mon environnement… Et il me dit que je sens bon! Comment ai-je fait toute seule durant tant d’années?
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Mon handicap m’a menée à une forme d’hypervigilance, surtout durant toutes mes années de solitude et aussi à un certain évitement social.
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Pouvoir en parler, c’est une chose nouvelle et bien réconfortante. Bien sûr, il a fallu que je gère ma colère à l’égard de celui qui m’a blessée, mais c’est une autre histoire.
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Un grand merci à Jean-Michel et à ceux et celles qui peut-être me liront.
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Marie-José, une Québécoise très attachée à la France

 


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques jours pour un 1er bilan du lancement du protocole de rééducation avec déjà beaucoup de retours POSITIFS puis dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Marie-José et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

 

10 questions à ‘Isabelle.L’ – anosmique traumatique

 

Bonjour à tous,

 

De l’optimisme, du courage ainsi que l’aide de ses proches, c’est ce qu’il aura fallu à Isabelle pour traverser toutes ses années sans odorat suite à un accident dans les années 1970…. une difficulté supplémentaire car à cette époque l’anosmie ne devait tout simplement pas exister et l’odorat n’était sans doute pas utile…

C’est une envie de partage et d’optimisme qui a poussé Isabelle à témoigner, pour transmettre son parcours et sa manière de traverser cette épreuve., voici l’histoire d’un banal accident…

 


 

Bonjour Isabelle, un banal accident comme il y en a tous les jours en France et ailleurs mais un accident qui te laissera anosmique à jamais. Ton témoignage est bouleversant, il permettra d’aider ceux qui souffrent d’anosmie mais aussi de transmettre des informations importantes ceux qui ont encore le sens de l’odorat, tu as souhaité que cette interview soit anonyme.

 

Prêt ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment tu es devenue anosmique, ce qu’il s’est passé ?

Isabelle : En 1972 j’ai été victime d’un accident de voiture dont je n’étais pas responsable : crâne fracturé et traumatisme crânien. J’avais 23 ans. Quand je me suis aperçue que je ne sentais plus, le neurologue m’a dit que si après 40 jours rien ne revenait, c’était perdu. J’ai entamé le décompte …

L’assurance m’a proposé une indemnisation dérisoire en évoquant un « pretium doloris léger » qui m’est resté en travers de la gorge !

Sans mes parents je me serais laissé faire ; ce sont eux qui sont allés voir un avocat. J’ai obtenu une indemnité conséquente qui m’a au moins donné l’impression que mon préjudice était reconnu.

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ?

Isabelle : Non

 

Question n°3 : Comment as-tu organisé ton quotidien pour vivre avec ce handicap ? Y-a-t ’il eu un impact sur ta vie professionnelle ?

Isabelle : Pas d’impact majeur sur ma vie professionnelle.

J’ai brûlé beaucoup de casseroles, j’en brûle encore et j’ai mangé des aliments avariés.

J’utilise un minuteur, je lave le linge certainement plus souvent que nécessaire.

Mais surtout, mon mari, ma famille et mes amis sont fréquemment sollicités pour sentir à ma place.

 

Question n°4 : Comment la situation a-t-elle évolué au fur et à mesure que les années passaient, par quelles phases es-tu passée ?

Isabelle : L’espoir de retrouver l’odorat et le goût ont disparu assez vite mais pas totalement, au point que, récemment encore, j’ai cru un ostéopathe qui me disait qu’il pouvait « peut-être » m’aider à retrouver l’odorat. Ça m’a coûté trois consultations ! Pour rien bien sûr…

J’ai oublié que certaines choses sentent. Je me le rappelle quand les autres en parlent.

Un exemple : quand nos petits enfants dorment à la maison ils viennent avec un tee shirt porté par leur mère. Ça les rassure. Je n’en aurais pas eu l’idée !

 

Question n°5 : Qu’est-ce qui t’a le plus manqué depuis ton accident ?

Isabelle : J’étais très sensible aux odeurs ; je vis maintenant dans un univers aseptisé, ce qui est contraire à mon tempérament.  Je ne supporte pas qu’on me dise que j’ai de la chance de ne pas sentir telle ou telle mauvaise odeur.

Je suis consciente de beaucoup perdre quand je voyage.

 

Question n°6 : Comment se passent  tes repas aujourd’hui, ton rapport à la nourriture ?

Isabelle : Ne pas oublier l’agueusie (perte du goût) qui va avec l’anosmie.

Je suis sensible à l’aspect et à la consistance. Je tiens beaucoup aux couleurs des aliments et de leur contenant. Il faut que ce soit joli !

Je mets des aromates par habitude et pour les autres. Mais il y en a dont je n’ai jamais connu le goût ni l’odeur.

Comme je trouve souvent que les plats ou les gâteaux n’ont pas ou peu de goût, je questionne mon entourage.

Mais Il faut savoir qu’il est très difficile de décrire une odeur.

 

Question n°7 : En parles-tu autour de toi ? A tes proches ? Dans ton travail ?

Isabelle : Dans mon travail je n’en parlais pas.

Mes proches le savent. Je les questionne souvent.

J’en parle peu. Quand cela m’arrive, les gens peuvent être stupéfaits et essayer d’imaginer la situation ; la plupart s’en fichent et notamment le corps médical. Il faut dire que je ne demande rien mais un petit mot de sympathie ferait plaisir.

 

Question n°8 : La question est un peu compliquée mais l’anosmie t’a-t-elle apporté quelque-chose de positif ?

Isabelle : l’accident m’a fait comprendre que tout peut basculer en 1mn. Compte tenu de ce à quoi j’ai échappé (reportage à Garches sur les traumatisés crâniens) je vois la vie beaucoup plus positivement.

Pour l’anosmie et l’agueusie proprement dites, rien de positif. Il faut vivre avec, sans dramatiser plus qu’il ne le faut.

La colère contre l’irresponsable, cause de tout cela n’a pas disparu.  Il ne faut pas essayer de me faire signer une pétition contre les limitations de vitesse !

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ?

Isabelle :  Non. D’ailleurs, c’est en voulant humer mon eau de toilette habituelle que j’ai constaté que je ne la sentais pas.

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques, à ceux qui souffrent ? Quels sont tes petits secrets pour améliorer ta qualité de vie mais aussi profiter de la vie malgré ce handicap ?

Isabelle : il faut apprendre à relativiser. La vie vaut la peine d’être vécue ;

Depuis peu de temps, l’odorat est plus souvent évoqué. Outre quelques émissions de radio, on voit des expositions ou des spectacles olfactifs ; c’est nouveau et prouve que ce sens n’est plus considéré comme mineur.

Je n’avais jamais rencontré d’anosmique jusqu’à présent. Je suis bien contente de pouvoir échanger avec des gens qui ne prendront pas un air poliment compatissant !

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

Isabelle : Retrouver mon nez ; Pas dans dix ans : tout de suite !

 


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Isabelle et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

 

10 questions à ‘Julian’ – anosmique congénital

 

Bonjour à tous,

 

Des années passées à se poser des questions, quelques échanges de mails, voici ce qui a mené Julian à nous livrer son témoignage dans les lignes qui suivent… L’histoire authentique d’un anosmique congénital.

 


 

Bonjour Julian, ton témoignage est riche et précis, la grande famille des anosmiques s’y reconnaîtra, il permettra aussi aux normosmiques de mieux nous comprendre, tu as souhaité que cette interview soit anonyme.

 

Prêt ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment ton anosmie congénitale a été découverte ? À quel âge, à quelle occasion ?

Julian : Je me suis rendu compte vers l’âge de 6 ans à l’école primaire mais je n’en parlais pas, puisque je ne voulais pas être « différent » des autres enfants.

Un jour à la récré, un des garçons a dit « quelqu’un a pété ! «  Mais comment a-t-il su ? Puis j’entendais dire « qu’il puait » et autres phrases de ce genre. Et puis un jour, une des filles a dit qu’elle ne pouvait pas sentir parce qu’elle était enrhumée. Il n’y a pas eu de moqueries de la part des autres alors j’ai adopté cette excuse afin de m’éviter des ennuis.

C’est à l’âge de 14 ans que ma mère s’est inquiétée. Un soir, je faisais mes devoirs dans sa cuisine. Elle est revenue d’une course et le dîner était en train de brûler dans le four. Quelques temps après, la même chose est arrivée mais cette fois-là cela sentait le gaz. A cause de ces deux incidents, elle a pris rendez-vous avec notre médecin de famille pour lui en parler.

Ce dernier nous a écoutés et nous a donné une lettre pour un médecin à l’hôpital. Je pensais que c’était un « spécialiste ». il a lu la lettre et m’a dit « Alors, tu es le garçon qui pense qu’il n’a pas d’odorat ? » J’avais 14 ans, naïf, innocent et respectueux de l’autorité mais, pour la première fois dans ma vie, je me suis « rebellé » et j’ai répondu : « Non Docteur, je suis le garçon qui SAIT qu’il n’a pas d’odorat ! »

Inutile de te dire que le médecin n’a pas apprécié du tout et puis, il m’a demandé si j’avais le goût. Oui je l’ai. Alors, décris-moi le goût du poisson ! Mais ma rébellion était terminée et je ne trouvais pas les mots pour lui répondre.

Il nous a renvoyés en disant à ma mère que j’étais un enfant gâté…

 

Question n°2 : Comment as-tu organisé ton quotidien pour vivre avec ce handicap ? Y-a-t-il eu un impact sur ta vie professionnelle ? Sur ton rapport aux autres, aux femmes ?

Julian : Un soir à la même époque, je regardais la télévision avec mon père. Il y passait une réclame pour un déodorant. On voyait l’image d’une personne qui chuchotait dans l’oreille d’une autre personne et une voix « off » disait « B.O.  Personne ne vous en parlera ! «

« C’est quoi BO Papa ? « Sa réponse fut un véritable choc pour moi. Body Odour (Odeurs corporelles). C’est ainsi que pour la première fois de ma vie, j’ai compris que mon corps pouvait sentir mauvais. Mais comment j’allais faire pour sortir avec une fille et même l’embrasser ? Alors c’est à dater de ce jour que j’ai commencé à me laver tous les matins.

Jusqu’à là, je ne voyais pas très bien la nécessité de me laver. J’avais pris l’habitude de m’enfermer dans la salle de bains et de laisser couler l’eau quelques minutes pour satisfaire ma mère.

Sinon, sur le plan professionnel, je n’ai pas eu de problème.

 

Question n°3 : Comment la situation a-t-elle évolué au fur et à mesure que les années passaient, par quelles phases es-tu passé ?

 Julian : A partir de ce moment et jusqu’à mon mariage, il ne s’est rien passé de particulier. Mon épouse, qui est très attachée à l’hygiène, et devenue mon « nez ». Dès qu’un vêtement sent mauvais ou si je transpire etc elle m’en avertit. Je pense qu’elle a dû me sauver de quelques situations embarrassantes.

 

Question n°4 : Comment se passent tes repas aujourd’hui, ton rapport à la nourriture, au plaisir de la table ?

Julian : C’est l’éternel question. Est-ce que j’ai le goût ou non ? Je pense que oui. J’ai mes mets favoris et il y a des plats que je n’aime pas. Je peux distinguer entre différents fromages, viandes,  poissons,  vins etc. Cependant, je suis persuadé que mon goût est plus faible que celui des autres.

Un médecin ORL m’a dit un jour qu’il avait l’impression que ma nature utilise ma langue pour distinguer des goûts à la place de mon nez. « La nature a horreur du vide ».

 

Question n°5 : En parles-tu autour de toi ? A tes proches ? Dans ton travail ? Parviens-tu à sensibiliser les personnes à qui tu en parles ?

Julian : Oui, j’en parle sans gêne. Cela intrigue ma famille, mes amis et d’autres. Curieusement, la première réaction concerne presque toujours les mauvaises odeurs. Personne ne me dit « Quel dommage, tu ne sens pas les fleurs, les parfums, les vins » mais plutôt « Oh quelle chance, tu ne sens pas les excréments, les égouts etc. »

 

Question n°6 : La question est un peu compliquée mais l’anosmie t’a-t-elle apporté quelque chose de positif ?

Julian : Non. Mais j’ai une anecdote à te raconter à ce propos. Après mon mariage, je suis allé vivre en Israël avec mon épouse dans un kibboutz agricole où nous avons travaillé dans plusieurs secteurs. Un jour, on m’a affecté au poulailler pour nettoyer les rejets d’animaux et pour transporter les fientes par tracteur. J’étais seul et j’ai fait le travail avec assiduité.

Une fois terminé, je suis retourné au petit logement douillet qu’était le nôtre. Ma femme m’a dit qu’il y a avait une forte odeur désagréable et elle pensait que celle-ci venait de l’enclos à vaches qui se trouvait derrière notre bungalow. Elle a donc fermé les fenêtres mais l’odeur persistait.

C’est alors qu’elle m’a demandé sur quoi j’avais travaillé ce matin-là et elle a toute de suite compris. Mes chaussures étaient crottées et mes vêtements de travail imprégnés. Elle m’a « jeté » dehors et m’y a obligé à me déshabiller et à tout nettoyer.

Je me suis toujours demandé si cette tâche n’était pas une sorte de bizutage. En tout cas, c’était raté en ce qui me concernait !

 

Anecdotes : Sur cette question je te laisse la liberté de nous raconter des anecdotes, positives ou négatives, l’important sera que tout le monde comprenne bien ce que fut ta vie d’anosmique congénital.

Julian : A l’âge de 18/19 ans, je sortais avec une copine à Londres. Un jour, nous avons pris un bus pour nous rendre au centre-ville. Une dame modeste est venue s’asseoir à côté de nous.

« Changeons vite de place » me dit mon amie.

« Que se passe-t-il ? »

« C’est la vielle dame, elle sent mauvais »

« Mauvais comment ? »

« Tu le sais bien »

« Mais non, explique moi »

J’ai insisté pour avoir les détails mais je voyais bien que mon amie était dans l’embarras. Et elle a fini par me dire que l’odeur venait de l’entrejambe de la dame.

Une nouvelle « bombe » venait d’exploser dans ma tête. La partie intime du corps peut sentir mauvais mais comment faire pour se protéger contre cela ?

 

Question n°7 : Est-ce que tu te parfumes ? Est-ce que tu interroges tes proches sur ces ‘odeurs’ que tu n’as jamais connues ?

Julian : Non, je ne me parfume jamais. Je n’ai jamais utilisé de l’après rasage, ni aucun autre produit similaire.

 

Question n°8 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques congénitaux ? À leurs parents pour aider leur enfant ?

Julian : Je n’ai pas de conseil particulier mais de grâce, écoutez votre enfant s’il vous dit qu’il ne sent rien. Ne le prenez pas pour un caprice d’enfant.

 

Question n°9 : Si tu devais me décrire ce qu’est une odeur, quels mots utiliserais-tu ?

Julian : Je ne peux pas décrire une odeur, n’ayant jamais senti mais je dirais que c’est une sensation reçue à travers le nez pour nous avertir d’un danger (le feu, le gaz, nourriture avariée) ou une sensation de plaisir (parfum, fleurs).

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ? Pour l’anosmie ? Pour l’odorat ?

Julian : J’ai toujours espéré que le monde médical chercherait un remède mais je n’avais pas assez d’informations sur le sujet. Aujourd’hui je comprends que nous avons des récepteurs/capteurs olfactifs à la base du nez, qui transmettent des signaux au cerveau. Dans mon cas, soit je suis né sans capteur, soit les capteurs ne se sont pas développés normalement à la naissance.

Pourquoi ne pas imaginer un transplant ou des capteurs artificiels ? Il y a beaucoup de choses disponibles de nos jours qui n’existaient pas dans ma jeunesse.

 


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Julian et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

 

10 questions à ‘Jean-Marc Munier’

 

Bonjour à tous,

 

Un témoignage émouvant, des épreuves surmontées avec un courage hors du commun, Jean-Marc nous livre dans les lignes ci-dessous son parcours, ses épreuves, ses douleurs, son anosmie et ses conséquences. Un grand respect, ce témoignage comptera…

Jean-Marc, ta vie est un parcours qui mérite la lumière, la façon dont tu as traversé ces épreuves, ta philosophie de vie est un très bel exemple de combativité dans lequel beaucoup se reconnaîtront. Tu as souhaité que cette interview ne soit pas anonyme.

 

Ready ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire quand et comment tu es devenu anosmique ?

JMM : Dans mon cas c’est difficile de dire quand je suis devenu anosmique. J’ai eu un cancer de la langue à 25 ans (1987). Lors des premiers traitements de chimiothérapie  (ils se sont étalés sur une année avec une opération en milieu de traitement) ma perception des parfums et des odeurs s’est modifiée. Je me souviens qu’il était difficile d’aller dans certains endroits (rayons de parfums dans les grands magasins, hôpitaux (un peu psychologique ?), pièces nettoyées à la javel, et tant d’autres) mon sens olfactif semblait être amplifié. A tel point que je ne pouvais pas changer les couches de mon fils…. alors que je le faisais sans aucune gêne avant les premiers traitements. Une furieuse envie de vomir à chaque odeur trop acide. Ma propre odeur était parfois insupportable une acidité liée aux produits et peut-être aussi à l’odeur du stress. Les odeurs me prenaient à la gorge et je n’avais plus vraiment à les distinguer les unes des autres. Elles étaient devenues trop présentes.

Cette nouvelle sensibilité s’est transformée dans les années suivantes. Le sens olfactif était certainement diminué mai je ne m’en rendais pas forcément compte, bien qu’il y ait déjà des indices. Lors d’un reportage au Mokattam (le quartier des chiffonniers du Caire) j’étais bien entendu gêné par les odeurs (cadavres d’animaux, brûlage d’ordures, une odeur de mort et de terre souillée), mais le collègue qui travaillait avec moi l’était bien plus. C’était un premier signe que je n’ai pas compris comme ça mais comme une réaction individuelle. Ce sens est tellement différent d’une personne à une autre que les réactions qu’il suscite le sont tout autant.

C’est lors du deuxième cancer (langue et chaîne ganglionnaire en 1996) avec toujours chimiothérapie et opération que l’anosmie s’est installée avec une agueusie partielle. Je distingue les saveurs sucrées, salées, acides, amères sans aucune subtilité. La cause de l’anosmie est peut être liée également à un épisode douloureux avec une sonde gastrique violemment utilisée par une infirmière qui n’y connaissait rien.

Cela fait donc 23 ans (en 2019) que je me promène sur cette planète sans ses parfums et sans le mien.

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ? Et pourquoi ?

JMM : Non, je n’en avais jamais entendu parler ou si j’ai rencontré un ou une anosmique soit il ne me l’a pas dit, soit je n’y ai pas prêté attention.

 

Question n°3 : Comment t’es-tu organisé pour vivre au quotidien avec ce handicap ?

JMM : Ça n’a pas été ma première préoccupation, ni d’aucun médecin que j’ai rencontré. Je sortais d’épreuves physiques liées aux traitements et aux opérations. J’étais en vie, c’était déjà un beau cadeau. Et puis les séquelles de l’opération m’obligeaient à me battre pour essayer de pouvoir parler à nouveau à peu près correctement. J’avais déjà perdu une partie de mon travail (reportages radio) il fallait pouvoir continuer.

Petit à petit effectivement je me suis senti (sans jeu de mots) différent.  J’ai souvent dit à ma famille « si vous trouvez que je pue, il faut me le dire ». Je n’ai pas l’impression pendant les premières années de l’avoir vécu comme un handicap  mais comme un manque, une perte.

Bien souvent il suffisait de dire aux personnes « non désolé, je ne sens rien » et on passait à autre chose. Heureusement je n’étais ni restaurateur ni parfumeur ou autre métier qui fait appel à l’olfaction. Mon travail dans le son et l’image m’a aidé. Mes autres sens compensaient cette perte. Mais ça cachait aussi la dépression qui s’installait.

Je ne peux pas dire que je me suis organisé pour vivre ce handicap. Je passe volontairement sur les accidents qui sont arrivés. La fuite de gaz, heureusement sans conséquences graves, le plat qui brûle, toutes les expériences désagréables que vivent les anosmiques. On apprend à être attentif.  J’ai bricolé. J’ai tenté de m’adapter.

 

Question n°4 : Qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?

JMM : Tellement de choses.

L’odeur du petit déjeuner le matin qui te motive pour commencer la journée.

L’odeur de mon corps (pas toujours agréable)  qui me guide vers la douche et le parfum de mon savon, de la mousse à raser.

Le parfum des plantes, de la terre et des fleurs.

Le parfum du pain qui s’échappe de la boulangerie quand tu passes devant.

Le parfum de mes proches.

Le petrichor et la géosmine  (https://www.maxisciences.com/pluie/qu-est-ce-qui-donne-a-la-pluie-une-odeur-si-agreable_art29121.html ) ce souffle de vie.

Tellement de choses… même les mauvaises odeurs…

Et une certaine joie de vivre.

 

Question n°5 : Comment se passent tes repas aujourd’hui ?

JMM : J’aurais pu répondre « sans commentaires ».

Assez rapidement quand je suis seul et sans vraiment de plaisir le reste du temps. L’agueusie joue aussi son rôle.

 

Question n°6 : En parles-tu autour de toi ? A tes proches ?

JMM : Je n’ai aucune gêne à en parler quand l’occasion se présente. J’ai parfois l’impression que mes interlocuteurs ne comprennent pas. Handicap inodore…invisible…ou inaudible ?

C’est une perte que l’on ne peut pas ressentir ou imaginer sans la vivre au quotidien.  Même un gros rhume passager ne peut pas faire vivre ce manque total. Si je reprends ma réponse à la question 2 « Non, je n’en avais jamais entendu parler ou si j’ai rencontré un ou une anosmique soit il ne me l’a pas dit, soit je n’y ai pas prêté attention » je crois qu’il n’est pas possible de se mettre dans la peau d’un anosmique et d’y prêter vraiment attention. A commencer par moi lorsque je ne l’étais pas. Vous pouvez fermer les yeux, vous boucher les oreilles ou la bouche pour ressentir ce que vivent les aveugles, les sourds ou les muets ou essayer un fauteuil roulant mais comment bloquer l’olfaction ? C’est un sens si riche en informations et si méconnu. Même avec beaucoup d’imagination c’est impossible.

 

Question n°7 : L’anosmie t’a-t-elle apporté quelque chose de positif ?

JMM : Oui, absolument oui.

Je suis différent. Je ressens d’autres choses. Je vois d’autres choses. J’entends d’autres choses. Et puis je suis heureux de m’être débarrassé de cette expression « celui-là ou celle–là je ne peux pas le ou la sentir ». Bien que l’on ne s’en rende pas compte cette phrase est d’abord conditionnée à notre premier sens, les premières informations qui proviennent à notre cerveau, l’odeur de l’autre. Le cerveau reptilien nous dit toujours de nous méfier de ce que l’on ne connaît pas. Mais cette première impression peut s’avérer fausse par méconnaissance et ignorance. On peut la confirmer ou l’infirmer par la suite. Lorsque l’on voyage (ou que l’on va dans un restaurant « exotique ») on est confronté à de nouvelles odeurs, à de nouveaux parfums et l’on peut s’habituer, apprécier ou pas ces nouvelles informations. On pourrait expliquer certaines incompréhensions humaines si l’on connaissait mieux les échanges chimiques de l’olfaction.

Il y a aussi cet échange fréquent auquel les anosmiques sont confrontés :

« Oh qu’est-ce que ça pue ! (source de l’odeur variable en fonction du lieu, mais certainement très désagréable). Quoi, tu ne sens rien ?  Oh ben t’en as de la chance !… »

Alors malgré tout je le prends comme une chance. Même si…. (voir réponse N°4)

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ?

JMM : Oui mais discrètement. Pas de parfums en flacon. De peur d’en mettre trop ou pas assez. Un savon (sans faire de pub….celui-ci http://holylama.co.uk/product/yogi-soap/?type=body-care ) qui a une petite histoire.

J’avais rapporté quelques savons du Kérala pour en offrir à mon retour et l’un d’eux était resté dans un placard. Au plein cœur de la dépression je suis tombé dessus et l’ai essayé. A ma grande surprise et  pour la première fois depuis des années j’ai eu l’impression de sentir. Oui je dis bien sentir. Impossible de dire quoi, mais ça passait par ma peau. Etait-ce simplement psychologique ? Je ne peux rien affirmer. Depuis il est devenu un compagnon quotidien. Tout simplement parce que l’on me dit que je sens bon. Ce sont les autres qui le disent. Je n’en sais rien.

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques ?

JMM : Question très difficile. Je ne suis qu’un anosmique bricoleur.

Ne faîtes pas comme moi. Ne passez pas à côté de votre anosmie. Secouez les médecins, les chercheurs. Si c’est passager et que ça peut être réparé. Secouez-les. Si c’est irrémédiable il faut apprendre à vivre sans son nez qui pourtant sera toujours au milieu du visage.

. Trouvez des plaisirs autres. Cherchez ce qui vous fait du bien. Si vous ressentez de la tristesse sans raison c’est peut-être le début d’une dépression. C’est important de trouver de l’aide. Je ne suis pas le meilleur exemple à suivre.

 

« La solitude est une sorte de tare : elle a un subtil parfum de tristesse, quelque chose qui n’attire, ni n’intéresse personne, et on en a un peu honte. » Charlie Chaplin

 

Ne vous refermez pas. N’ayez pas honte, pas peur de votre odeur. Demandez à vos proches de vous aider aussi simplement que lorsque vous hésitez pour le choix d’une couleur ou d’un vêtement. Tous les goûts et toutes les odeurs sont dans la nature.

Le sourire est le parfum du bonheur, quand le bienheureux le met, le triste le sent. Salim Boudiaf

Et pour recueillir des sourires rien de mieux que d’en semer.

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

JMM : Que la société humaine change pour permettre aux enfants d’apprendre d’abord la plénitude de leurs sens avant que leur cerveau ne soit déformé par les croyances et puis si possible être encore vie pour continuer d’essayer d’être humain.

 

Merci Jean-Marc, merci beaucoup de participer à cette aventure qui nous mènera peut-être un jour vers la reconnaissance de ce handicap et de ses conséquences.

 


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Jean-Marc et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

 

10 questions à ‘Stéphanie Bayard’ – anosmique congénitale

 

Bonjour à tous,

 

Un mail, un appel, des émotions, de la poésie, voici ce qui a mené Stéphanie à nous livrer son témoignage dans les quelques lignes qui suivent… L’histoire exceptionnelle d’une anosmique congénitale, en toute simplicité, merci Stéphanie pour ce beau témoignage qui tombe ce mercredi 27 février qui correspond à la journée mondiale de l’anosmie. #anosmiaday

 

 


 

Bonjour Stéphanie, ton témoignage est riche et précis, la grande famille des anosmiques s’y reconnaîtra, il permettra aussi aux normosmiques de mieux nous comprendre, tu as souhaité que cette interview ne soit pas anonyme.

 

Ready ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous parler de ton arbre généalogique ‘anosmique’ ? As-tu entrepris des démarches de recherche génétiques (syndrome de kallman) ?

SB : Je suis née sans odorat, mais je ne suis pas la seule anosmique de ma famille. Ma mère possède un odorat très développé, ma fille aussi. Cependant ma grand-mère maternelle est anosmique au même titre qu’au moins une de ses sœurs. Leur père, mon arrière-grand-père maternel, l’était également. Nous n’avons pas entrepris de démarches de recherche génétiques, car la plupart des membres de ma famille, qui sont concernés, considèrent cet état comme une fatalité, nous sommes nés « sans nez », c’est inexorable.

 

Question n°2 : Comment ce handicap était perçu et considéré dans ta famille ?

SB : Je suis probablement celle qui en parle le plus et qui s’intéresse le plus à « cet état ». Adolescente, j’ai demandé à mon médecin de famille des explications. Pourquoi suis-je comme ça ? Il m’a posé quelques questions pour s’assurer que je n’avais pas perdu l’odorat soudainement suite à un accident. Il a pris mon handicap à la légère. Je crois me souvenir qu’il m’a dit que ce n’était pas grave, qu’il n’y avait rien à faire, pas de cure ou médicament pour changer le fait que je ne sentais rien. Il a minimisé mes préoccupations et n’a pas suspecté que cette situation pouvait occasionner une souffrance. Ce que j’ai trouvé terrible, c’est qu’il n’avait même pas de mot à m’offrir pour qualifier mon mal. Je pense que j’avais besoin d’un diagnostic, une forme de reconnaissance de cette souffrance parce qu’au fond, je me sentais différente.

J’ai fait quelques recherches, que j’ai partagées avec ma grand-mère. Pour elle, c’est une « caractéristique » qui nous rend spéciales elle et moi, mais pas un véritable drame.

Ma mère choisit tous mes parfums et ils sont validés par ma fille et mon conjoint. Pourtant, il arrive encore à ma mère de me demander comment je trouve le dernier parfum qu’elle a choisi…

 

Question n°3 : Quand et comment as-tu découvert que tu étais anosmique, puis anosmique congénitale ?

SB : J’ai longtemps prononcé des phrases préenregistrées. Comme un magnétophone, je récitais des déclarations dépourvues de sens pour moi, des phrases entendues et répétées, dans des situations données : le parfum des fleurs, le café, le chocolat sentent bon, mais les toilettes publiques, l’essence, l’éther puent. L’odorat était pour moi une gymnastique intellectuelle.

J’ai réalisé assez tardivement que je n’avais pas d’odorat; je devais avoir une douzaine d’années quand j’ai compris que quelque chose ne fonctionnait pas normalement. Lors d’un voyage de classe, un élève est arrivé en affirmant que nous allions manger du riz. Comment avait-il deviné ? Après quelques questions, j’ai compris que chaque aliment avait une odeur, que chaque personne avait une odeur unique. J’ai réalisé que le monde des odeurs était subtil. J’ai aussi compris à ce moment-là qu’il n’y avait pas une bonne ou une mauvaise odeur générique, que chacun avait sa banque d’odeurs avec ses références.

En discutant avec ma famille, j’ai compris que j’avais hérité de cette particularité génétique de ma grand-mère, par l’entremise de ma mère. J’ai posé des questions essentiellement à ma grand-mère, sans explorer la question en profondeur. Lors de la naissance de ma fille, je n’ai pas cherché immédiatement à savoir si elle avait ou non de l’odorat. Elle devait avoir deux ans quand un jour, elle s’est approchée de moi et a dit : « mmmm ça sent le chocolat par ici ». Je venais de prendre un carré de chocolat en cachette et je venais de me faire démasquer. Ce fut un grand bonheur.

 

Question n°4 : Peux-tu nous parler de ton goût, de tes repas, aujourd’hui et lorsque que tu étais petite ?

SB : Je me souviens d’une anecdote amusante sur mon anosmie. Lorsque j’étais enfant, je mangeais à la cantine. Une personne venait nous porter les desserts ou laitages sur le centre de la table et là, comme des loups affamés, nous voulions tous le yaourt à la saveur à la mode du moment (lois secrètes de la mode dictée par les enfants). Je n’étais pas la dernière pour jouer des coudes et sauter sur le yaourt à la saveur de banane ou de citron en vogue à ce moment. En réalité, je pense qu’ils avaient tous le même goût pour moi. Je ne voulais pas être laissée pour compte, je me battais, mais mes motivations étaient incertaines…

J’ai compris le pouvoir très puissant de l’odorat et la façon dont il est intimement lié au goût. Je passe à côté de bien de subtilités des arômes, c’est une certitude. Je n’ai cependant aucune référence, je n’ai donc pas de nostalgie d’un sens que j’ai perdu… Je n’ai jamais eu ni odorat, ni goût. Je suis attentive aux textures, aux couleurs, j’ai développé mes préférences en fonction d’autres critères que les critères olfactifs.

Comme j’aime beaucoup cuisiner, je demande à mon conjoint ou à ma fille de m’assister dans le choix et la quantité des épices. Je sais distinguer le sucré, le salé, l’amertume, l’acidité, etc. Je donne des images aux odeurs, je mémorise les assortiments recommandés (avec tel plat, je peux mettre telle épice).

 

Anecdote ++ ! Peux-tu nous raconter une anecdote ‘positive’ liée à ton absence d’odorat ? Je te pose cette question, car j’ai beaucoup apprécié ton sens de l’humour et la poésie avec laquelle tu parles de l’odorat , des vins, des parfums, 🙂

SB : J’ai trouvé un boulot d’été où je vendais des copies de parfums dans un magasin, en Espagne. Évidemment, ce n’était pas forcément facile de prime abord de vendre quelque chose que je ne sentais pas… Ma mère m’a expliqué le lien entre la couleur des flacons de parfum et la force de ceux-ci, la différence entre les parfums légers et floraux et ceux qui étaient capiteux. Elle m’a fait part de la corrélation qu’il pouvait y avoir entre la couleur de la peau et des cheveux et l’odeur de la personne ou l’odeur recherchée par la personne. Je dois avouer que notre démarche empirique était certainement hasardeuse, mais personne n’a jamais compris que je n’avais pas d’odorat.

Je suis née au milieu des vignes, dans la région du Cognac. Le vin, le Pineau, le Cognac font partie depuis toujours de mon univers. Je déguste et je pose des questions à mes personnes de référence. Je mets des images sur des odeurs, c’est la façon que j’ai trouvée pour rester connectée et ne pas vivre ce handicap comme une exclusion.

J’ai décidé de ne pas vivre cette caractéristique de façon passive. J’associe des situations à des images fortes pour moi. Je sais que les chaudes journées d’été, lorsqu’il pleut, la terre dégage une odeur. J’ai associé cette odeur à une image très précise. Je n’hésite pas à poser des questions et souvent la réaction est positive, les gens partagent.

 

Question n°5 : Qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?

SB : J’aimerais pourvoir sentir les gens qui me sont proches. J’ai développé des techniques pour imaginer les odeurs des choses, mais pas celles de gens que j’aime.

 

Question n°6 : En parles-tu autour de toi ? à tes proches ? dans ton travail ?

SB : Je parle de mon anosmie sans véritable honte ou gène autour de moi, parfois au travail. C’est très souvent un étonnement pour les autres qui ne savaient pas que c’était possible de ne pas sentir. Je me fais répondre : « tu as de la chance, tu ne sens pas les choses qui puent » ou « ça aurait pu être pire, tu aurais pu être aveugle ». Les gens me demandent souvent si j’ai perdu aussi le goût. Je leur explique que je n’ai pas de référence, mais que je suis en mesure d’effectuer des nuances. Je me suis habituée à ce manque de délicatesse, cependant, je ne trouve pas nécessairement ces réflexions plus pertinentes pour autant, ou moins blessantes.

 

Question n°7 : La question est un peu compliquée mais l’anosmie t’a-t-elle apporté quelque-chose de positif ?

SB : Je pense que je suis une personne imaginative de nature, mais l’anosmie a amené cette qualité à un autre niveau. Je collecte des informations et je me crée « mon monde des odeurs ».

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes ? est-ce que tu cuisines ?

SB : J’aime me parfumer quand je sors de chez moi. Je veux savoir ce que je sens. Me parfumer, c’est un peu comme enfiler des vêtements pour ne pas être nu. J’ai des parfums d’été et des parfums d’hiver.

J’aime cuisiner et pour la partie de mise en scène les épices, je m’en remets à mes goûteurs.

 

Anecdote — ! Peux-tu nous raconter une anecdote ‘négative’ liée à ton absence d’odorat ? Cette question est indispensable pour ceux qui te liront, normosmiques, pour mettre en situation le quotidien avec ce handicap

SB : Lors de plusieurs occasions, l’anosmie m’a mise en danger. Une fuite de gaz s’est produite dans notre maison. À l’époque, je fumais occasionnellement et le hasard a fait que je n’ai pas allumé de cigarette à ce moment-là.

J’ai également fait brûler quelques casseroles et par chance ma mémoire m’a rappelé que j’avais quelque chose sur le feu… Cependant, un jour, le feu a pris dans la cuisine de mes parents et j’étais installée dans un fauteuil du salon disposé en face de la porte de la cuisine. Ma mère qui était avec moi dans la maison s’était assoupie. J’ai vu la fumée s’échapper et nous sommes tout de suite intervenues, en évitant ainsi le pire.

Enfin, lorsque j’étais étudiante, je vivais avec une colocataire et j’ai ouvert une conserve maison mal stérilisée, qui l’a tout de suite mise en alerte, à cause de son odeur. Sans son intervention, j’aurais peut-être contracté le botulisme…

 

Question n°9 : Si tu devais formuler 3 propositions orientées vers les anosmiques congénitaux? quelles seraient-elles ? (santé, scolarité, société, etc..)

Proposition n°1 : Je pense qu’il serait important de sensibiliser le corps médical à la souffrance des anosmiques. Lors de la perte d’odorat suit un accident, le corps médical est impliqué d’emblée. Pour les anosmiques congénitaux, l’histoire est un peu différente. Le médecin de famille devrait être vigilant et orienter ses patients anosmiques congénitaux vers un accompagnement psychologique pour s’assurer que ce handicap n’amène pas d’autres défis de santé mentale.

 

Proposition n°2 : La question du bagage héréditaire va se poser à la prochaine génération. Ma fille va-t-elle avoir des enfants qui souffrent d’anosmie? Aucun médecin n’a proposé d’effectuer des recherches, de nous aider à comprendre notre histoire familiale. La communication est cruciale.

 

Proposition n°3 : La sensibilisation me semble une premier pas essentiel. Parler de l’anosmie et faire réaliser aux enfants et aux adultes combien l’odorat et le goût sont importants. L’anosmie existe et les personnes qui en souffrent peuvent éprouver des difficultés à vivre avec ce handicap. Acceptation, tolérance, compassion pourraient remplacer l’ignorance.

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

SB : Dans mes rêves, connaître la sensation de sentir des odeurs pour la première fois. Je pourrais sentir ma fille et ce serait un magnifique cadeau.

 

 

Merci Stéphanie, merci beaucoup de participer à cette aventure qui nous mènera peut-être un jour vers la reconnaissance de ce handicap et de ses conséquences.

 


 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Stéphanie et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

 

10 questions à ‘Isabelle’ – anosmique traumatique

 

Bonjour à tous,

 

Une correspondance, des mails, des émotions, une histoire, voici ce qui a mené Isabelle à nous livrer son témoignage dans les quelques lignes qui suivent… Merci beaucoup à Isabelle pour ce témoignage très complet entre souffrance et espoir.

 


 

Bonjour Isabelle, ton histoire et ton expérience apporteront sans doute beaucoup à ceux qui souffrent, je te remercie d’avance pour ce témoignage, tu as souhaité que cette interview soit, pour des raisons personnelles, anonyme.

 

Ready ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment tu es devenu anosmique ?

Isabelle : Il y a cinq ans, j’ai fait une chute dans des sentiers de campagne.  J’ai dévalé une butte et ma tête a heurté un sentier pavé.  J’ai eu une fracture du crâne, un traumatisme crânien sévère avec de multiples zones d’hémorragies.  Je me suis rendue compte à l’hôpital qu’il y avait un problème quand je ne goûtais rien au repas que l’on m’avait apporté.  Le neurologue m’a dit que si « cela » ne revenait pas après trois mois, cela ne reviendrait jamais.  Une IRM a confirmé que j’avais des lésions des bulbes olfactifs.  J’ai donc vécu ces trois mois fébrilement, le compte à rebours des trois mois constamment en tête, à guetter la moindre sensation.  Mais après trois mois, je devais me rendre à l’évidence : je n’avais rien récupéré.

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ? 

Isabelle : Oui, assez curieusement, c’est quelque chose que je redoutais depuis des années.  Une collègue de ma maman était anosmique et ma maman m’en a souvent parlé.  Je trouvais cela dramatique et une fois par an environ, lorsque j’avais un rhume carabiné et que je perdais totalement l’odorat (et donc une bonne partie du goût), j’avais l’angoisse que cela ne revienne pas.

 

Question n°3 : Comment as-tu organisé ton quotidien pour vivre avec ce handicap ?

Isabelle : C’est vrai qu’il faut changer ses habitudes.  J’ai réalisé que je cuisinais beaucoup aux odeurs.  Au début, j’ai souvent fait brûler des aliments car je ne sentais rien  A cela, il fallait ajouter les séquelles du traumatisme crânien qui faisaient que j’oubliais que j’avais quelque chose sur le feu.  Bref, un certain nombre de casseroles ont brûlé.  C’est aussi compliqué de cuisiner car on ne peut plus goûter l’assaisonnement.  Et comme je suis la seule à cuisiner chez moi, je cuisinais des recettes que je connaissais bien et j’assaisonnais au feeling.  Sinon, j’étais aussi plus attentive à la fraîcheur des aliments.  Avant, je me fiais essentiellement à mon odorat.

Je suis aussi plus attentive à tout ce qui concerne l’hygiène et le linge.  Pour cela aussi, je me fiais surtout à mon odorat.  Maintenant, je fais plus attention à la fréquence à laquelle je change les draps, les torchons et les éponges dans la cuisine…  Je suis angoissée quand je ne suis pas à la maison et que je ne me rappelle plus si j’ai mis du déodorant car je ne peux plus sentir mon odeur.

C’est assez anecdotique, mais il y a une situation un peu embarrassante, c’est quand au restaurant, on me demande de goûter le vin.  Avant, j’étais contente car c’était un progrès (il y a 20 ans, on ne demandait jamais à une femme de goûter le vin s’il y avait un homme à table), mais maintenant, je suis bien embêtée car je serais incapable de dire si un vin est bouchonné.

 

Question n°4 : Comment la situation a-t-elle évolué ?

Isabelle : Pendant de longs mois, il n’y a eu aucune évolution.  Je guettais (surtout les trois premiers mois), mais il ne se passait rien.  Et puis, très progressivement, j’ai commencé à sentir et à goûter certaines choses.  C’était en fait très étrange car quand je goûtais quelque chose, ce n’était plus du tout comme avant l’accident.  Certains aliments que je trouvais délicieux avant étaient maintenant mauvais.  Mais quel progrès de goûter quelque chose, même si ce n’était pas bon !  Pour les odeurs, c’était un peu la même chose, quand je sentais quelque chose, c’était souvent très différent d’avant.  J’ai comme cela « réappris » à manger comme un enfant qui doit parfois être confronté à un aliment une vingtaine de fois avant de l’apprécier.  Certains aliments sont très bons, comme par exemple le chocolat, même si ce n’est pas le même goût.  J’ai aussi eu une phase d’hyperosmie pendant laquelle certaines odeurs étaient très incommodantes, comme celles de l’encre des magazines ou encore du diesel.  C’était alors un supplice de se trouver en ville.  Heureusement, j’habite à la campagne.  En fin de compte, mon odorat a continué à revenir petit à petit.  Je pense qu’après 5 ans, cela évolue encore, même si c’est à peine perceptible.  Certaines odeurs n’ont été perceptibles que plus de 3 ans après l’accident.  Il y en a encore que je ne sens pas du tout.  Et pour le goût, j’apprécie à nouveau de manger et de cuisiner.

 

Question n°5 : Qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?

Isabelle : Ce qui me vient en premier à l’esprit, c’est l’odeur de la nature car je me suis baladée ce matin et je ne sentais pratiquement rien.  Il y a vraiment un manque, un vide de ce côté-là.  Par contre, quand on tond la pelouse, je sens quelque chose et de plus en plus au fil du temps.  L’odeur de mes proches aussi me manque.

 

Question n°6 : Comment se passe tes repas aujourd’hui ?

Isabelle : Vu l’évolution que j’ai décrite, cela se passe très bien.  En plus, comme c’est moi qui cuisine, je peux choisir ce qui me fait le plus plaisir.

 

Question n°7 : En parles-tu autour de toi ? A tes proches ?

Isabelle : Ah oui, les autres… cela a été très difficile au début.  La plupart des gens ne comprennent pas et oublient très vite que vous êtes anosmique.  Et franchement, certaines personnes dans mon entourage n’ont pas toujours été d’un grand secours, même si ce n’était pas du tout volontaire.  Mes parents ont mis beaucoup de temps à intégrer le fait que je ne sentais/goûtais plus.  Des amies me parlaient très souvent de ce qu’elles avaient cuisiné ou mangé, que c’était bon…  Les médecins ne sont pas toujours non plus très compréhensifs car cet aspect-là est pour eux tout à fait secondaire par rapport aux autres conséquences d’un traumatisme crânien.

Sinon, oui, c’est vrai qu’on a besoin d’en parler et c’est très réconfortant de « tomber » sur un site comme anosmie.org.  On voit qu’on n’est pas seul, que d’autres vous comprennent.   Ce site augmente aussi fortement la visibilité de ce handicap méconnu.  Il y a de l’espoir aussi et c’est pour cela que j’ai voulu témoigner.  Dans mon cas, les choses ont très bien évolué, alors qu’il n’y avait aucun espoir dans les premiers temps.  D’autant que je n’avais trouvé sur internet personne qui ait récupéré après une anosmie de plusieurs mois suite à un traumatisme crânien.

 

Question n°8 : La question est un peu compliquée mais l’anosmie t’a t-elle apporté quelque-chose de positif ?

Isabelle : Oui, question difficile, d’autant plus que pour moi, il est difficile de dissocier l’anosmie des autres conséquences de mon accident.  C’est un tout.  En ce qui me concerne, j’ai perdu mon travail.  Un travail en réalité qui me « bouffait » littéralement.  L’accident m’a permis au final de prendre du recul, de me reconnecter à ce qui est important.  Je suis maintenant beaucoup plus posée, calme et je m’efforce de n’attacher de l’importance qu’à ce qui en vaut la peine.

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques ?

Isabelle : Comme Nelly qui a témoigné précédemment, je conseillerais de garder le moral.  Je sais, c’est excessivement difficile au début.  Après mon accident, j’allais fréquemment m’isoler dans les toilettes pour pleurer, surtout au moment des repas.  On ressent un grand vide, un très grand manque.  Et l’entourage ne peut généralement pas comprendre.  Je pense qu’il faut en parler à quelqu’un qui peut comprendre, qui est passé par là ou qui est dans le cas.  Il y a l’espoir aussi.  Un ami qui avait perdu l’odorat suite à des rhinites a pu récupérer grâce à un traitement, même si cela a pris du temps.  J’ai beaucoup récupéré, même si cela a pris 5 ans.  Mais comme pour beaucoup de difficultés dans la vie, même si n’on ne récupère pas (tout de suite), le temps fait son œuvre et on développe des stratégies pour affronter ce qui nous arrive.

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

Isabelle : Je souhaiterais qu’il y ait une prise de conscience dans la population, mais aussi chez les médecins de ce qu’est l’anosmie.  J’ai l’impression que les médecins ne se rendent pas du tout compte de la souffrance que peut engendrer la perte de l’odorat et du goût.  Et les personnes dans le cas ne sont pas du tout aidées et soutenues.  De plus, comme c’est semble-t-il un détail (après un traumatisme crânien sévère, on peut déjà être content d’être en vie et de s’en sortir sans trop de séquelles neurologiques), je pense qu’il n’y a pas autant de recherches dans ce domaine que ce qui serait souhaitable compte tenu de l’impact sur la vie quotidienne et du nombre de personnes concernées (toutes causes confondues).  Une meilleure connaissance dans la population en général permettrait sans doute aussi que les choses se passent mieux avec l’entourage.  Quand les gens oublient 100 fois que vous avez perdu l’odorat et le goût et qu’il faut 100 fois répéter que vous ne pouvez pas dire si le repas est bon, c’est douloureux.  On ne dit pas à une personne malvoyante : « Tu as vu comme le ciel est bleu ? ».  Si ce handicap était plus connu, les gens seraient plus attentifs.

 

Merci Isabelle pour ce témoignage, il restera un grand moment pour toi et pour l’association !

 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit et ça fera plaisir à Isabelle et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

 

10 questions à ‘Ninon Demeulenaère’ – anosmique congénitale

Bonjour à tous,

 

Lorsque j’ai proposé à Ninon Demeulenaère de témoigner dans la rubrique ’10 questions à…’, elle n’a eu aucune hésitation ! Vous découvrirez ci-dessous cette interview en toute intimité, dans les coulisses de la vie d’une anosmique congénitale, entre souffrance et espoir.

 


 

Bonjour Ninon, tu es anosmique congénitale, je te remercie d’avance pour ce témoignage, tu as souhaité que cette interview ne soit pas anonyme.

 

Prête ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment tu es devenue anosmique ?

ND : Je suis anosmique congénitale. Je l’ai découvert il n’y a pas si longtemps, environ 3 ans alors que j’ai 19 ans car avant je ne savais pas ce qu’était l’odorat, lorsque l’on me demandait si je trouvais que ça sentais bon (ex du parfum) je disais oui oui, mais au final je ne sentais rien et je ne différenciais aucune odeur.

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ? et pourquoi ?

ND : Non, avant que je ne le découvre je ne savais pas qu’il était possible de perdre l’odorat ou de naitre sans.

 

Question n°3 : Comment as-tu organisé ton quotidien pour vivre avec ce handicap ?

ND : Mon quotidien n’a pas changé car je ne sais pas ce qu’est une odeur contrairement aux anosmiques qui ont perdu l’odorat…

 

Question n°4 : Qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?

ND : Je ne peux pas dire qu’il y a quelque chose qui me manque car je ne sais pas ce qu’est la sensation de sentir.

 

Question n°5 : Comment se passe tes repas aujourd’hui ?

ND : Comme je suis anosmique congénitale, j’ai le goût, j’aime certaines choses d’autre moins, toutefois mon gout n’est pas très développé, je ne différencie pas les herbes, ou les épices, ou la viande, ou bien le poisson.

 

Question n°6 : En parles-tu autour de toi ? à tes proches ?

ND : Oui, mes proches le savent, lorsque j’en parle à des personnes quand ça arrive dans les conversations tout le monde est « choqué »

 

Question n°7 : Ton anosmie t’a-t’elle créé des complications ? À toi ou à ta famille durant toutes ces années jusqu’à tes 15 ans ?

ND : je pense que cela n’aurait rien changé car de toute façon il n’y a pas de traitement médical. Jamais de complication si ce n’est du stress quand la bouteille de gaz est finie et que je ne m’en rends pas compte par l’odeur … à moi et à ma famille pas de complications puisque nous n’en avions jamais parlé et que je vivais normalement .

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes ?

ND : Je n’ai jamais eu de parfum.

 

Question n°9 : Ninon, l’adolescence d’une anosmique congénitale ressemble à quoi ? Des doutes ? Des questions ? Des mensonges ?

ND : Je n’ai découvert que vers l’âge de mes 15 ans qu’il était possible de ne pas avoir d’odorat, car avant je n’y faisais pas attention, lorsque l’on me demandait si un parfum sentait bon je disais « oh oui » mais tout compte fait d’un parfum à l’autre aucune différence aucune sensation de sentir enfin je ne sais pas ce qu’est cette sensation à vrai dire. Je me suis ensuite demandée pourquoi je n’avais pas d’odorat, qu’est ce qu’une odeur, ai-je une odeur à moi ? C’est quoi la sensation de sentir… je ne peux pas en souffrir comme un anosmique qui a perdu l’odorat car je ne sais pas ce que c’est toutefois c’est parfois très frustrant lors des dîners, ou bien je ne me sens pas alors je crains toujours de puer, je ne vais jamais dans une parfumerie…

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

ND : J’aimerais un jour avoir la sensation de sentir rien qu’une fois.

 

Merci Ninon pour cette interview en toute transparence, elle restera un moment important pour toi et pour l’association !

 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit et ça fera plaisir à Ninon et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

Et la vie continue,

 

Jean-Michel

10 questions à ‘Nelly Lemarinier’ – anosmique traumatique

 

Bonjour à tous,

 

Lorsque j’ai proposé à Nelly Lemarinier de participer au 1er numéro de la rubrique ’10 questions à…’, elle n’a pas hésité une seule seconde ! Vous découvrirez ci-dessous cette interview en toute intimité, dans les coulisses de la vie d’un anosmique, entre souffrance et espoir.

 


 

Bonjour Nelly, tu es la 1ère à répondre à cette nouvelle rubrique, je te remercie beaucoup. Tu as souhaité que cette interview ne soit pas anonyme.

 

Ready ? 😉

 

Question n°1 : Peux-tu nous dire comment tu es devenue anosmique ?

NL : C’est un accident de la vie… chute sur le carrelage d’une piscine de toute ma hauteur… je suis très grande pas loin de 1,64 m.. hihihi… il n’y a que cela de drôle dans l’histoire… dans mon histoire. C’est mon crâne qui a tout pris…. trauma crânien, 7 points de suture et quelques heures après ma chute… je me suis rendue compte que j’avais perdu goût et odorat… en voulant m’alimenter. Le médecin urgentiste vu la veille m’a dit que mes vertiges et la perte de goût et odorat étaient dus au choc et que tout rentrerait dans l’ordre au bout de 48h… si seulement il avait pu dire vrai … Les premiers mois beaucoup d’espoir et je me suis dit : «c’est une nouvelle épreuve que la vie me donne mais tout va revenir comme avant l’accident»… après plusieurs examens et visites de spécialistes… il me faut me résigner et me dire que c’est fini pour moi le goût et l’odorat.. j’ai maintenant un nouveau statut : «handicapée»….

 

Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ? et pourquoi ?

NL : Non pas vraiment… comme la plupart d’entre nous … Je pensais que nous avions tous notre propre sensibilité et pas la même façon d’apprécier les choses….. d’où l’expression «Les goûts et les couleurs« mais imaginer ce que je vis aujourd’hui… non impossible cela ne m’a jamais traversé l’esprit ! Je ne me rendais pas compte à quel point ces sens merveilleux comme le goût et l’odorat pourraient me manquer et quelle douleur cela représente quand nous en sommes privés !

 

Question n°3 : Comment t’es-tu organisé pour vivre au quotidien avec ce handicap ?

NL : Je m’oblige à être beaucoup plus vigilante notamment sur ce que je mange. Avant l’accident j’avais «mes sécurités»… un aliment même joli et appétissant à la vue s’il n’était pas bon je pouvais le détecter avec le goût et l’odorat maintenant que j’ai perdu mes sécurités je suis très méfiante… je cuisine mais plus le droit d’être distraite car c’est trop dangereux alors je reste devant ma plaque de cuisson… et j’utilise systématiquement le minuteur… pour tout. Pas drôle mais il ne faut pas rigoler avec la sécurité ! J’ai nommé mon mari «le meilleur goûteur»… pas le choix il est contraint de tout goûter puisque je ne peux plus le faire ! Je n’ai pas de solution pour échapper aux odeurs néfastes pour mon organisme…. sauf s’il y a des fumées colorées que je peux voir et donc éviter !

En effet, maintenant il y a des mots que je ne peux plus dire car ils ne représentent pas la réalité comme:  “je vais goûter” et bien NON maintenant je ne peux plus dire que : ” Je vais manger mais je ne pourrais pas dire quel goût pour cet aliment”. Je ne peux plus dire non plus “c’est bon” puisque je ne le sais plus… et il y a d’autres mots, d’autres expressions qui ne me viennent pas tout de suite en tête … que je dois maintenant bannir de mon vocabulaire. Alors cela peut paraître ridicule mais forcément il m’arrive de dire ces mots sans réfléchir…, instinctivement et aussitôt je me dis mais non Nelly tu n’as plus le droit de dire cela… c’est triste mais cela fait également partie des choses qui demandent un effort, une nouvelle organisation dans sa tête et ce n’est pas si simple !

 

Question n°4 : Qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?

NL : Il est difficile de répondre il y a tellement de choses qui me manquent….comme je suis gourmande.. les bonnes odeurs de cuisine, les moments de convivialité avec la famille,  les amis sont plus fades… surtout lorsque tout le monde dit que c’est bon que cela sent bon … c’est terrible ! L’odeur des fleurs.. celles de mon cerisier, de mon pommier, du chèvrefeuille que j’avais tant de plaisir à humer lorsque je passais à côté pour aller chercher l’eau afin d’arroser mon jardin… forcément toutes les odeurs de parfums… pas seulement pour l’alimentaire mais aussi dans la salle de bain : crèmes, lotions, parfum, le linge propre et frais…. l’odeur de mon mari de mes proches… souvent un parfum vous rappelle quelqu’un…

 

Question n°5 : Comment se passe tes repas aujourd’hui ?

NL : Je mange même si je n’ai plus le même plaisir… je me focalise sur les couleurs… il faut que soit joli… je continue de manger ce que j’appréciais avant… il n’est pas question pour moi sous prétexte que je n’ai plus de goût et d’odorat de manger n’importe quoi… ou que des aliments insipides parce que je ne vais plus me rendre compte…. au contraire je veux continuer à choisir ! Le souci c’est que je ne réussie plus à calmer mes envies…. je peux manger par exemple des quantités de chocolat incroyable parce que je n’ai plus d’alerte pour l’écœurement qui pourrait me faire arrêter et en fait je ne peux plus assouvir mon envie de chocolats par exemple… c’est un souci que je ne sais pas régler… Très embêtant et aussi très frustrant !

 

Question n°6 : En parles-tu autour de toi ? a tes proches ?

NL : Ah oui j’en parle à chaque occasion et j’essaie d’expliquer… pas toujours facile mais il n’est pas question de cacher quoi que ce soit… surtout pas question de mentir et quand on me demande mon avis sur un aliment ou autre chose j’en profite pour dire que je ne peux pas répondre car j’ai perdu goût et odorat… et cela entraîne des explications, mon ressenti face à ce qui m’entoure… le partage de ma douleur et surtout de faire prendre conscience à mon entourage de ce que je vis,  de ce qui me manque maintenant, de ce que j’ai perdu….

 

Question n°7 : La question est un peu compliquée mais l’anosmie t’a t’elle apporté quelque-chose de positif ?

NL : Un combat de plus à mener… une nouvelle lutte…. dans ma vie personnelle….il y en a déjà quelques unes. Je me bats souvent plus pour les autres mais cette fois-ci c’est aussi pour moi… c’est difficile et différent. Je ne supporte pas l’injustice et là le fait d’être privée du goût et de l’odorat suite à un accident alors que je me permettais une petite pause détente suite à une année difficile… pour moi c’est injuste et je vais me battre pour faire reconnaître ce handicap invisible ! Une belle et grande cause à défendre !

 

Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ?

NL : Oui bien entendu même si je ne profite plus de cette bonne odeur…  c’est surtout pour les autres que je me parfume. Je n’ai pas changé cette habitude… et je reste coquette !

 

Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques ?

NL : De garder le moral, sa fierté car ce n’est pas de notre faute si nous ne pouvons plus tout partager comme avant avec notre entourage… nous en sommes malheureux. Ce n’est pas facile moi je pleure encore chaque jour au bout d’un an mais il faut se battre et tout faire…. pour vivre bien avec  les autres en toute loyauté… pas de mensonges. Moi, même si aujourd’hui notre handicap n’est pas reconnu par la sécurité sociale… c’est pas grave je viens d’ouvrir un dossier pour la reconnaissance de celui-ci… alors faites en autant…. encore une façon d’en parler et tous les moyens sont bons… la sécurité sociale nous ignore ? Pas pour longtemps… il nous faut tous remplir un dossier ce sera un bon début ! Il faut parler, parler et parler encore et se faire entendre auprès de tous et particulièrement auprès des scientifiques, du monde médical afin de faire bouger les lignes… faire entendre nos voix et  faire respecter nos droits. Nous sommes handicapés., soit mais alors nous avons des droits comme les malentendants et les malvoyants et nous devons nous battre … ensemble nous serons les plus forts et les barrières tomberont.

 

…La vie continue elle est belle et vaut le coup d’être vécue.. même si elle a un peu moins de saveur !!!

 

Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?

NL : Que des scientifiques trouvent une solution pour que je.. pour que nous retrouvions ces merveilleuses sensations du goût et de l’odorat. Que la sécurité sociale ouvre ses yeux et reconnaisse que le fait de perdre 2 sens sur 5 c’est un réel handicap !

 

Merci Nelly pour cette première interview, elle restera un moment important pour toi et pour l’association !

 

Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’

 

Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit et ça fera plaisir à Nelly et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉

 

Et la vie continue,

 

J2Man

 

Nouvelle rubrique sur anosmie.org ’10 questions à …’

 

Bonjour à tous,

 

Je profite tout d’abord de cet article pour vous envoyer tous mes vœux à l’occasion cette belle année 2018 qui débute !

 

L’objectif premier étant de parler de notre handicap invisible, de l’anosmie et plus généralement de ce sens magique qu’est l’odorat, vous découvrirez bientôt une nouvelle rubrique qui rythmera la vie de l’association, elle sera intitulée ‘10 questions à….’.

 

Cette rubrique qui se présentera sous la forme d’une interview s’adressera à des anosmiques, des normosmiques, des professionnels de santé ou toute personne qui pourra mettre en avant notre combat, nos idées, nos émotions ou notre souffrance.

 

Rendez vous dans les semaines à venir pour le 1er numéro de ’10 questions à…’.

 

Et la vie continue,

 

Jean-Michel