10 questions à ‘Wendie.A’ – anosmique en raison d’un traitement médicamenteux
Bonjour à tous,
Un témoignage poignant et bouleversant lors d’une de nos réunions en visio m’a poussé à demander à Wendie de participer à cette rubrique de ’10 questions a…’ .
Vous trouverez dans les quelques lignes ci-dessous l’histoire de Wendie, sa vision des choses, ses doutes, ses questions et cette envie, nécessaire, de partager son anosmie.
Bonjour Wendie, ce qui t’as bouleversé c’est bien de rencontrer pour la première fois des personnes qui pouvaient comprendre ce que tu vivais au quotidien et c’est bien là le rôle de notre association. Après cette réunion tu nous écrivais ton envie de sortir du silence et l’importance de le faire, pour toi, pour ta vie de femme.
Tu as souhaité que cette interview soit anonyme.
Wendie : Je me suis rendue compte que je ne sentais plus aucune odeur vers l’âge de 18 ans. Cela fait maintenant 6 ans et pourtant je commence tout juste à assumer cette particularité comme étant un réel handicap. Pendant mes années d’études j’ai vécu sans odorat comme si de rien n’était, comme si c’était normal car d’un côté je ne savais pas comment expliquer ce phénomène aux autres et d’un autre côté les ORL que je consultais, minimisaient mon problème et ils ne savaient pas comment m’aider en dehors des traitements de cortisone. Mon anosmie serait dûe à une prise de pilule contraceptive, générique de diane 35, qui aujourd’hui est connue pour avoir provoqué certaines maladies chroniques.
Prête pour cette interview ?
Question n°1 : Peux-tu nous dire quand et comment tu es devenue anosmique, à quel âge ?
WA : J’ai commencé à me rendre compte que je ne sentais plus aucune odeur environ vers l’âge de 18 ans. C’était durant la première année de mes études supérieures.
Question n°2 : Avant de devenir anosmique, savais-tu qu’il était possible de perdre l’odorat ? Et pourquoi ?
WA : Non je ne savais pas que perdre l’odorat puisse être possible. Peu informée sur ce sujet ni à l’école ni dans ma famille, je n’avais aussi jamais rencontré quelqu’un qui avait ce handicap. Je pensais naïvement que l’odorat était un sens qui était inné et inaltérable.
Question n°3 : Comment t’es-tu organisée pour vivre au quotidien avec ce handicap ?
WA : Dans les débuts, toute seule en appartement, j’ai fait un peu comme j’ai pu mais j’avais conscience que la situation présentait certains risques comme ne pas pouvoir sentir une fuite de gaz, de la fumée ou ne pas pouvoir sentir les produits périmés par exemple. Je me suis vite arrêtée de manger de la viande et des produits laitiers, dans le doute qu’ils soient mauvais. L’année suivante j’ai opté pour une colocation. Plus sécurisant pour moi et je savais que je pouvais compter sur le soutien de mes colocs.
Question n°4 : Qu’est-ce qui te manque le plus aujourd’hui ?
WA : C’est difficile de répondre à cette question. Chaque détail me manque, de la tartine grillée du matin, à l’odeur de ma mère, jusqu’à ma propre odeur à moi. L’odeur des lieux que j’ai pu fréquenter, des apparts dans lesquels j’ai vécu. Les odeurs passées, les odeurs actuelles. J’ai aussi constamment peur de perdre la mémoire à force que mes souvenirs ne soient plus sollicités par les odeurs du quotidien ou les odeurs passagères.
Question n°5 : Comment se passent tes repas aujourd’hui ?
WA : La cuisine est une activité qui nous fait du bien, nous rassure, nous donne du plaisir. Quand on perd l’odorat on peut très vite perdre l’envie de cuisiner. Certaines périodes ont été plus dures que d’autres. J’essaie tous les jours de ne pas céder à la tentation de bâcler mes repas et manger juste pour me nourrir. Mes astuces : miser sur les couleurs et les textures ! Curcuma, paprika, graines de sésame, pignons de pin, fleurs comestibles… il faut en permanence innover, s’intéresser à d’autres manières de cuisiner. Le fait d’avoir toujours autour de moi des amis, de la famille me donne toujours un peu d’énergie. Il me faut constamment chercher de la satisfaction ailleurs. Parfois peut être s’acheter de belles assiettes, beaux couverts, ça peut aider à donner plus envie de manger.
Question n°6 : En parles-tu autour de toi ? A tes proches ?
WA : Mes proches sont au courant. Quand je rencontre de nouvelles personnes je le place assez vite dans la conversation pour ma sécurité et celle des autres. Il ne faut pas compter sur moi pour sentir le gâteau qui brûle dans le four. Sur le point de vue du handicap et des troubles psychologiques que cela engendre chez moi, je n’en parle que depuis 1 an.
Avant je pensais que ça n’intéressait personne et puis souvent quand on aborde le sujet on obtient en retour des remarques comme « pratique quand ça pue ! » et ça donne pas envie d’aller plus loin. Je me suis donc beaucoup isolée dans ce problème, à cause de l’incompréhension des autres et la lassitude quotidienne. Petit à petit cette situation a provoqué une perte d’identité, j’avais perdu ma propre odeur, l’odeur de ma chambre, de mon parfum, de mon savon, tout était en train de se déliter sous mes yeux et j’ai commencé à prendre cette situation comme acquise, je ne demandais plus le soutien de mes proches, je me disais que c’était comme ça et puis c’est tout. L’invisibilité de ce handicap le rendit quasi absent.
A la suite j’ai rencontré un vrai manque de soutien de la part des ORL que j’ai consultés, comme si pour eux le handicap de l’anosmie n’existait pas, ils refusaient d’en parler. Ils ne savaient visiblement pas quoi faire pour m’aider, m’envoyaient voir d’autres spécialistes pour clore mon dossier et j’ai subi des interventions chirurgicales qui se sont révélées bidons. J’ai arrêté de consulter suite à une chute d’escarre (ouverture des plaies et saignement abondant) après une ablation des amygdales. A ce moment-là j’ai vraiment cru que j’allais y passer. 3 ans plus tard j’ai recommencé à avoir confiance en les spécialistes ORL grâce à la bienveillance du Dr Chhuor que j’ai trouvé dans la rubrique réseau anosmie sur votre blog.
Question n°7 : L’anosmie t’a-t-elle apporté quelque chose de positif ?
WA : L’anosmie m’a apporté une ouverture d’esprit. Cela m’a permis de prendre vraiment conscience de l’importance des odeurs dans la vie quotidienne, et du bonheur que peut procurer une odeur que l’on aime. Malheureusement on se rend souvent compte de ce que l’on a quand on le perd.
Aujourd’hui ce handicap me rend vulnérable certes mais je cherche toujours à ce que ça me rende plus forte aussi. Je me bats tous les jours pour ne pas céder à la tentation de m’isoler. Je fais donc le choix de m’en sortir et d’assumer ma ‘différence sournoise et invisible. Je la montre comme une particularité plus qu’un défaut.
Ça me fait penser. Dans la série Star Trek Next Génération de 1980, un des personnages de l’équipage, Geordi La Forge, aveugle de naissance porte une visière qui lui permet de capter les fréquences de chaleurs. Il ne voit pas comme un voyant normal mais peut percevoir l’espace et les individus grâce à d’autres paramètres. Son handicap n’est pas présenté comme une faiblesse mais au contraire comme une différence presque avantageuse sur les autres. Sa particularité a d’ailleurs permis de sauver l’équipage à de nombreuses reprises.
Question n°8 : Est-ce que tu te parfumes toujours ?
WA : Oui de temps en temps pour sortir je me parfume. Ça parait curieux comme geste mais ça me permet de garder une part de mon identité, mon entourage me reconnait bien à ce parfum et comme il est assez fruité il est agréable pour les autres.
Question n°9 : Que pourrais-tu conseiller aux anosmiques ?
WA : Je dirais de ne pas s’empêcher d’en parler, ne pas s’isoler est la première chose à faire même si cela n’est pas simple. Il faut essayer de garder le moral et quand on chute, ne pas hésiter à demander de l’aide à quelqu’un qui comprend. Je dirai également qu’il est important de bien se renseigner sur le fonctionnement des organes qui sont concernés, pour quelles raisons sommes-nous anosmique ou comment pouvons-nous nous soigner quand c’est possible. Avoir une bonne connaissance du système permet d’être mieux conscient de ce qui se joue en nous pour mieux combattre ou pour mieux relativiser nos angoisses. En dernier point je conseille aussi de prendre avec des pincettes les paroles et les diagnostiques de certains spécialistes ORL, je me suis trop souvent retrouvée anéantie par le manque de considération que j’ai pu subir…
Question n°10 : Ton rêve dans 10 ans ?
WA : Dans 10 ans j’aurai 36 ans, je serai plus solide, j’aurai continué à me battre pour garder le moral et avec un peu de chance j’aurai trouvé tous les remèdes qui m’auront permis d’atténuer mes troubles ou de mieux vivre avec.
Merci du fond du cœur Wendy 😉
Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel article de ‘10 questions a…’
Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Wendy et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉
Et la vie continue,
Jean-Michel Maillard